Congrès FNCF 2024 - Le Scare se mobilise
Date de publication : 25/09/2024 - 08:20
Organisée en marge de la grand-messe de l'exploitation, l'assemblée générale du Syndicat des cinémas d'art, de répertoire et d'essai a été l'occasion, pour ce dernier, d'alerter sur la situation des salles art et essai indépendantes, tout en mettant en lumière les tensions renforcées avec la grande exploitation.
Après deux ans d'absence, le Scare retrouvait, ce mercredi 25 septembre, la salle Lexington du Centre International de Deauville (CID) pour son assemblée générale annuelle. Avant de lancer le rendez-vous, le conseil d'administration du syndicat a tenu à exprimer "une pensée toute particulière" à son ancienne coprésidente, Aline Rolland, disparue en juin dernier, tout en rendant hommage à Gérard Clochard, décédé en décembre.
L'organisation a ensuite, à travers son rapport moral, dressé le bilan de l'exercice 2023, "année de convalescence encourageante mais encore fragile", avec, d’un côté, "des films qui vont casser la baraque et redonner corps à notre profession", et, de l'autre, "des films plus fragiles qui ne trouve[nt] pas leur place". Et de s'interroger : "Comment ne pas nous alarmer collectivement, aux côtés de nos partenaires les distributeurs indépendants, d’une baisse sans cesse accentuée des niveaux d’entrées des films art et essai moins porteurs ?". L'occasion de pointer "une polarisation et concentration toujours plus grandes sur quelques rares titres qui souvent affirment leur prédominance par un nombre prohibitif de séances".
Parallèlement, la production US s'est - dans toute sa diversité - rétrécie, observe le syndicat, "ce manque de cinéma américain" conduisant notamment "à un rétrécissement du marché et une multiplication des copies sur des films recommandés art et essai (...) Nous devons lutter contre la multiplication des copies dans les zones à concurrence qui émiettent les entrées et participent à la fragilisation économique de nos salles". Et le Scare de citer en exemple l'Eldorado de Dijon, placé en redressement judiciaire cet été, qu'elle espère ne pas être "annonciateur du sort réservé à d’autres cinémas indépendants".
En parallèle, le syndicat appelle à "faire cesser [l]es pratiques consist[a]nt à refuser de manière systématique l’accès d’un film porteur à une catégorie de salles (...), donn[ant] de facto l’exclusivité aux circuits", lesquelles "se développent dangereusement".
La réforme du classement art et essai a, bien évidemment, occupé une partie importante de ce rapport moral, le Scare se réjouissant de sa "plus grande sélectivité", de la hausse de l'enveloppe art et essai à 19M€, de la pondération des films - mais pas des critères retenus pour sa mise en place - ou encore de l'augmentation du nombre de commissions régionales.
L'éducation à l'image a elle aussi été longuement abordée, à l'aune des deux mesures (remplacement de courte durée et formation des enseignants) adoptées à la rentrée 2023. "Le désastre est immense et l'un des rôles fondateurs des salles art et essai est, par cette décision irréfléchie, fragilisé. Ce sont ainsi des milliers d’élèves qui dès la saison 2023/2024 n’ont pas participé aux dispositifs d’éducation à l’image dans les régions où la stricte application du guide de remplacement de courte durée a été mise en place", a tonné le syndicat.
Tensions avec la grande exploitation
Si les premières prises de parole suivant la lecture de ce rapport moral ont porté sur la réforme art et essai, les échanges se sont ensuite rapidement concentrés sur les rapports entre les cinémas représentés par le Scare - très essentiellement issus de la petite et de la moyenne exploitations - et la grande exploitation. Ce, dans le prolongement de l'intervention de Guillaume Bachy, directeur des Cinémas du Palais de Créteil - et par ailleurs président de l'Afcae -, réagissant aux déclarations formulées quelques heures plus tôt lors du compte-rendu de la commission de branche de la grande exploitation de la FNCF exposé durant le Forum de discussion.
"De quelle manière le Scare peut-il se positionner par rapport à ce que nous avons entendu cet après-midi ?", a interrogé l'exploitant, pointant "d'un côté, une demande de la grande exploitation d'être mieux revalorisée, notamment à travers le compte de soutien", et, "de l'autre, la pression que peuvent ressentir certains d'entre nous en raison de la volonté de la part des circuits et de la grande exploitation de venir de plus en plus sur le terrain de l'art et essai. On parle de solidarité, de filière... Personnellement, je me sens parfois pressuré par ce système qui se voudrait solidaire".
"La grande exploitation se retrouve, en effet, dans une position assez offensive à l'égard du reste de l'exploitation, et particulièrement de nos salles art et essai indépendantes", lui a répondu Christine Beauchemin-Flot, coprésidente du Scare, reliant cette situation aux difficultés rencontrées actuellement par une bonne partie de la branche, dont la fréquentation est cette année inférieure de 27% à la moyenne 2017-2019 - contre -14,6% pour l'ensemble du parc. Le tout en signalant que, "même si, en termes d'entrées, l'exploitation art et essai est moins mise à mal que le reste des salles, certains de nos établissements rencontrent de grandes difficultés économiques. Il n'est donc pas du tout question d'abandonner nos combats".
"Cela fait maintenant deux ans que les choses se resserrent sur la programmation. Et, depuis quatre-cinq mois, elles se sont même accélérées : les circuits affichent désormais le fait de devoir "trouver de l'argent"", a renchéri Stéphane Libs, coprésident du Scare.
En réaction, Marc-Olivier Sebbag, délégué général de la FNCF, a tenu à rappeler le discours porté par la fédération et son président Richard Patry le matin même au sein des commissions de branche : "Aujourd'hui, la situation globale de notre secteur est très fragilisée, en particulier par la mise en cause du financement du CNC, c'est-à-dire de l'écosystème dans lequel nous vivons tous - plus ou moins bien. S'il n'y a pas un sentiment d'unité, de prise en compte des difficultés des uns et des autres en dépit de la concurrence, alors ce sera pire pour tout le monde. C'est collectivement - entre nous, mais aussi avec les distributeurs, les producteurs, les réalisateurs... - que nous réussirons à nous en sortir".
Précisons en outre qu'il s'agissait là de la dernière assemblée générale du Scare organisée sous la houlette de Stéphane Libs, qui a décidé de quitter son poste de coprésident du Scare - qu'il occupe depuis 2014 - à la fin de son mandat.
Kevin Bertrand
© crédit photo : K.B.
L’accès à cet article est réservé aux abonnés.
Vous avez déjà un compte
Accès 24 heures
Pour lire cet article et accéder à tous les contenus du site durant 24 heures
cliquez ici