Cinéma

Congrès FNCF 2024 - Éducation aux images : L'Archipel des lucioles appelle à la mobilisation générale

Date de publication : 25/09/2024 - 08:04

Le nouveau binôme à la tête de l'Archipel des lucioles, Stéphanie Dalfeur, présidente, et Delphine Lizot, déléguée générale, appelle l'ensemble de la filière à se mobiliser pour défendre l'éducation aux images, très fortement impactée par la réforme globale du choc des savoirs du ministère de l'Éducation nationale.

Vous venez de prendre la direction de l’Archipel des lucioles. Pourriez-vous présenter vos parcours respectifs ?

Stéphanie Dalfeur, présidente : Je travaille à Strasbourg où je dirige le RECIT, une association territoriale de salles de cinéma indépendantes et de professionnels de l’image. Nous dénombrons plus de 50 membres au sein de notre réseau dans le Grand Est. Nous coordonnons l’ensemble des dispositifs en temps scolaire, de la maternelle au lycée, et hors temps scolaire avec Passeurs d’images. Nous accompagnons la programmation des salles de notre réseau notamment en matière de diversité avec la circulation sur les films art et essai, jeune public et patrimoine.

Outre cet accompagnement, nous avons également un rôle de conseil et de veille. Notre présence au sein des instances nationales nous permet d’informer constamment nos membres des évolutions à venir. Par exemple, nous travaillons actuellement sur la réforme art et essai avec les salles adhérentes du RECIT. Chaque année, nous organisons également Augenblick, festival de cinéma germanophone dans plus de 40 salles de cinéma.

Depuis la création de l’Archipel des lucioles, le RECIT a toujours été un membre actif. Depuis plusieurs années, je suis administratrice de la structure. A travers ce nouveau rôle de présidente, j’espère pouvoir apporter mon expérience de terrain et les enjeux auxquels nous faisons face.

Delphine Lizot, déléguée générale : Je travaille depuis une vingtaine d’années dans le secteur de l’éducation aux images. J’ai toujours évolué au sein des dispositifs. En 2019, j’ai rejoint l’association Passeurs d’images, devenue l’Archipel des lucioles, en tant que coordinatrice au niveau national. Depuis la rentrée, j’occupe désormais les fonctions de déléguée générale.

Quelles sont vos priorités immédiates à la tête de l’Archipel des lucioles ?

SD : Notre principale préoccupation demeure la rentrée scolaire avec le guide de « Remplacement de courte durée (RCD) » et les groupes de niveau 6e et 5e . L’Archipel des Lucioles doit être cette interface avec le terrain et la filière professionnelle. Nous sommes pleinement impliqués et complémentaires avec la FNCF, l’Afcae et le GNCR. Aujourd’hui, l’Archipel des lucioles doit reprendre sa place au sein de la filière pour mettre en exergue à quel point l’éducation aux images doit être prioritaire. Les professionnels doivent également se saisir de cet enjeu.

AL : Nous allons aussi mener une réorganisation des équipes autour d’un projet associatif solide avec des priorités clairement définies à l’image de l’animation du réseau des coordinations. Nous sommes au service de ces structures en leur apportant des conseils, une expertise mais aussi des éléments de réflexion. Nous devons également faire remonter leurs préoccupations auprès du CNC, avec qui nous voulons travailler main dans la main. L’Archipel des lucioles est l’interlocuteur idoine pour les coordinations et les institutions.

Il a presque un an, vous aviez initié une tribune alertant sur les conséquences du guide relatif aux remplacements de courte durée des enseignants, susceptible selon vous" d’impacter significativement les dispositifs d’éducation au cinéma". Où en êtes-vous pour cette rentrée scolaire ?

SD : La mise en place du RCD a été un choc l’an dernier. Un dialogue avait été amorcé à la suite de notre tribune et du travail mené par la FNCF. Des avancées avaient été constatées. Malheureusement, la vacance du Gouvernement a mis à l’arrêt ces progrès. Maintenant que les ministres sont nommés, nous allons reprendre ce travail d’alerte en rappelant l’importance de la sortie cinéma et de la découverte d’une œuvre en salle par les élèves.

Il y a également un travail à mener au niveau local. Nous sommes confrontés à des fonctionnements qui diffèrent selon les Académies. L’Académie de Strasbourg a par exemple maintenu les formations en temps scolaire grâce à un travail partenarial mené depuis 14 ans et une confiance mutuelle. D’autres coordinations n’ont pas cette chance. Le rôle de l’Archipel est d’accompagner ces structures dans un dialogue avec les entités locales. L’an dernier, quelques Académies s’étaient lancées à corps perdu dans le guide des RCD en calant toutes les formations le mercredi ou pendant les vacances. Beaucoup d’entre elles ont fait machine arrière. Elles se sont rendues compte qu’elles pouvaient perdre des enseignants.

La situation reste alarmante et nous avons besoin de la mobilisation de l’ensemble de la filière. Il est encore trop tôt pour faire une analyse globale, certaines coordinations n’ayant pas encore finalisé leurs inscriptions, mais des tendances se dessinent déjà. Les premiers chiffres sont préoccupants. Nous espérons que ces données réveillent les consciences et incitent à agir.

DL : La réforme globale du choc des savoirs continue de nous inquiéter. Je rappelle qu’elle a été mise en place de manière unilatérale par le ministère de l’Education nationale, sans concertation avec les partenaires culturels et tout l’écosystème professionnel impliqués dans les dispositifs. Cette réforme introduit de grands chamboulements comme le remplacement de courte durée des professeurs ainsi que la mise en place de groupes de besoins. Le fonctionnement et la logistique des dispositifs d’éducation aux images ont été fragilisés. Nous avons pu le constater dans le bilan de l’année scolaire dernière. Nous avons noté une baisse de 9% des inscriptions des enseignants au dispositif Collège au cinéma sur l’année 2023-2024.

Pour cette rentrée, certains signaux de coordinations nous alertent. Des départements nous font remonter des baisses spectaculaires des inscriptions des enseignants à Collège au cinéma : -50% d’inscrits dans le département du Cher, -20% d’inscrits dans le département du Doubs, -25% pour la Savoie et -40% dans les Pyrénées-Atlantiques. Ces chiffres doivent toutefois être analysés avec précaution. Ils ne sont pas forcément corrélés avec la formation des enseignants hors temps scolaire. Dans les Pyrénées-Atlantiques, la formation est maintenue voire renforcée. Notre interlocuteur nous a indiqué que la logistique de participation aux trois séances Collège au cinéma est fortement perturbée en raison des groupes de besoins. La baisse des inscriptions dans ce département est notable chez les professeurs de 6e et 5e. Ne voyant pas comment ils vont s’organiser pour l’année à venir, ils préfèrent ne pas prendre part à un dispositif qui nécessite un certain engagement.

SD : Nous avons également constaté ces évolutions dans les départements du Bas-Rhin et du Haut-Rhin. Avec la réforme, les classes n’ont que dix semaines en commun sur l’année scolaire. C’est très peu. Face à cette nouvelle donne, les enseignants ont préféré mettre en suspens leur participation à ce dispositif pour cette année.

DL : Pour cette rentrée, les inscriptions sont encore en cours mais nous constatons, dans des départements, que si le nombre d’établissements est stable, moins d’enseignants s’inscrivent. Cela complique la logistique des salles ce cinéma qui planifient des séances avec moins de spectateurs.

SD : Ces dispositifs sont uniquement basés sur le volontariat des enseignants. Sans eux, ils n’existeraient pas. Avec la réforme, ils ressentent une grande fatigue avec des contraintes administratives très fortes avec Adage, l’application dédiée à la généralisation de l'éducation artistique et culturelle mise en place depuis plusieurs années. On leur impose, d’année en année des barrières pour accéder à ces dispositifs. Ce millefeuille administratif est très pesant et contraignant. Aujourd’hui, nous appelons à la sacralisation des dispositifs.

Quid des transports pour accompagner les élèves dans les salles ?

SD : Cela reste une problématique majeure. Personne n’arrive à prendre ce sujet à bras-le-corps. Outre le prix de l’essence, certaines collectivités observent une pénurie de chauffeurs. Les opérateurs manquent aujourd’hui de personnel. Cela constitue un gros frein et une perte de temps conséquente pour les enseignants qui multiplient les demandes de devis auprès des opérateurs.

Outre l’instabilité ministère et la réforme au niveau national, quelle est la situation avec les collectivités locales ?

DL :  L’implication de certaines collectivités territoriales dans ces dispositifs nous inquiètent également. Nous avons relevé un désengagement de conseils départementaux vis-à-vis de Collège au cinéma. C’est un vrai sujet d’inquiétude. Les collectivités sont un partenaire fondamental du dispositif. Pour Ecole et cinéma, des coordinations s’inquiètent des baisses budgétaires des communautés de communes, qui sont aussi indispensables à ce dispositif.

Le congrès des exploitants semble donc arriver à point nommé pour sensibiliser la profession.

SD : Oui. L’accumulation de changements fragilise l’éducation aux images et la filière dans son ensemble. Ce sujet concerne tout le monde. Les salles de cinéma comptent sur ces dispositifs scolaires pour créer un lien avec les établissements scolaires et mener d’autres projets avec eux. Les exploitants ne sont pas uniquement des destinataires de ces dispositifs. Ils doivent pleinement y prendre part. Les distributeurs ont également un rôle à jouer. Nous rappelons que les films du catalogue proviennent majoritairement du Dire et du SDI. Les intervenants artistiques, qui forment les enseignants, sont autant impliqués. Enfin, la menace pèse aussi sur nos métiers de coordinateurs dans les territoires. Nous sommes des structures fragiles et le retrait d’un partenaire peut avoir un effet dévastateur. A l’occasion de ce Congrès, nous appelons à une mobilisation générale pour défendre des dispositifs vertueux depuis plus de 30 ans.

DL : A travers ce cri d’alerte, nous souhaitons insuffler un élan solidaire. Nous tenons, toutes et tous, à ces dispositifs qui ont démontré leur pertinence et leur importance au sein de la filière cinéma et de l’éducation nationale. Les exploitants doivent se mobiliser et se responsabiliser. N’oublions pas que de nombreux exploitants ont pris part à la création de ces dispositifs pour donner le goût du cinéma mais aussi de la salle. Nous pensons que la séance unique proposée par la part collective du Pass Culture doit s’articuler et être complémentaire avec les dispositifs existants pour valoriser cette activité culturelle.

Il ne faut pas négliger cet enjeu de formation du public au cinéma. Ce défi concerne aussi bien les élèves que les enseignants. Nous devons avoir une attention particulière vis-à-vis de ces spectateurs.

Quel pourrait être l’impact du plan du CNC en faveur de la diffusion sur les dispositifs ?

DL : Nous nous réjouissons de la hausse des moyens alloués aux circuits itinérants. Sans eux, les dispositifs seraient beaucoup moins étendus en zone rurale. Les circuits itinérants ont bénéficié de nouvelles aides à la diffusion du CNC, mais ces nouveaux soutiens vont devoir être renforcés pour maintenir leurs activités dans tous les territoires. Toujours dans cet élan collectif et solidaire, nous entretenons des liens forts avec l’ANCI afin d’optimiser le déploiement des dispositifs.

Outre les dispositifs scolaires, quelle est la situation pour le dispositif hors temps scolaire Passeurs d’images, que vous coordonnez ?

DL : Le protocole d’accord ministériel de ce dispositif fait actuellement l’objet d’une refonte. Ce chantier s’achèvera fin 2024. Il permettra aux professionnels de ce dispositif d’être confortés dans leurs missions et de pouvoir trouver de nouveaux financements pour déployer leurs actions.

D’autres actualités ?

DL : Nous gérons toujours l’opération nationale d’éducation aux images et à la citoyenneté, Des cinés, la vie ! Cette année, exceptionnellement, le lancement aura lieu cette semaine à la Réunion dans le cadre d’un partenariat avec Cinékour, la coordination locale Passeurs d’images. Une délégation de Mayotte sera également présente. L’événement est soutenu par la Direction interrégionale de la PJJ.

Nous organisons également nos rencontres nationales qui se dérouleront cette année à Castelnaudary dans l’Aude en collaboration avec le cinéma Véo de Castelnaudary du 26 au 28 novembre.

Florian Krieg
© crédit photo : Archipel des Lucioles


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