Cinéma

Congrès FNCF 2024 - Eurozoom, distributeur de "Look Back" réagit à la sortie de "Kaizen"

Date de publication : 26/09/2024 - 07:55

Le moyen métrage d'animation de 58’, Look Back, de Tatsuki Fujimoto, adaptation du célèbre manga éponyme, a bénéficié d'une sortie en salle éphémère en France les 21 et 22 septembre. Amel Lacombe, la distributrice du film en France pour Eurozoom, a souhaité réagir sur cette sortie alors que celle du documentaure Kaizen a déclenché, et continue de déclencher, les réactions que l'on connaît.

Dans quel contexte avez-vous souhaité sortir Look Back, acclamé au dernier festival d'Annecy ?
C'est un film d'animation japonais absolument exceptionnel. Il est adapté d'un manga culte. J'avais entendu parler du manga lui-même et j'avais contacté les producteurs quand j’ai su qu’il y avait un projet de film. Ils me l'ont montré et je suis tombée en pamoison. J’ai appris aussi que Look Back était un film Prime Video. Ayant sorti plus de 60 films japonais au cinéma, je n’avais fait à ce jour qu'une exception sur de l'événementiel. On va perdre de l'argent avec l'exploitation de ce film, mais artistiquement, c'était une obligation morale que de le mettre en salle. Notre métier de distributeur, c'est de faire permettre à un public de rencontrer des films. De dénicher les réalisateurs et réalisatrices de demain, de les accompagner.

Vous avez souhaité réagir par rapport au parcours de Kaizen. Tout d’abord par rapport à son arrivée en salle ?
Le film a été annoncé très tard, donc en termes de concurrence, cela a brouillé les cartes. Nous choisissons tous nos dates de sortie, nos événements et nos investissements en fonction de la concurrence. J'avoue que c'est très compliqué pour moi. Je ne peux pas être médisante par rapport à un collègue. Le problème n'est pas là. Je parle de système. Je suis très contente pour MK2. Tant mieux pour eux, il n'y a pas de souci. Leurs entrées ne m'enlèvent rien, ne me donnent rien, cela n'a rien à voir. Ce que je juge, c’est la façon dont se sont déroulées les choses. En gros, deux films événements sortis la même semaine, mais il y en a un qui s'est tenu à la réglementation et l'autre pas. Et, à ce jour, cela n'a produit aucune conséquence...

On peut arguer que le distributeur n'a fait que répondre à une demande qui l'a dépassée ?
Cela me parait un argument totalement réfutable… la maitrise du plan de sortie est la clé de voute de notre activité. En théorie, nul ne peut nous obliger à servir une salle, a l’exception notable de la médiatrice du cinéma qui doit être saisie par la salle demanderesse avec des arguments précis. Ce n’est évidemment pas le cas ici. Mais plus que la théorie, c’est notre pratique elle-même qui nous permet de maitriser notre combinaison de sortie et de ne pas servir plus que 500 séances, quelle que soit la demande, à condition de bien vouloir se conformer à la loi. En fait, il suffit de savoir compter jusqu’a 500 et de ne plus ouvrir de kdm après la 500ème. Le numérique nous permet cette maitrise a 100%. Quant a l’argument de la demande pressante des salles auxquelles on ne pourrait pas dire non, deux remarques : la réglementation du visa temporaire (dans le cadre de la loi sur la chronologie des médias je le rappelle) est justement faite pour protéger la fenêtre d’exploitation en salles, il parait donc aisé et logique d’expliquer aux salles qui insisteraient pour être servis au dela de la règle que c’est à leur détriment. Et si la demande ou le succès a posteriori suffisaient a faire d’une action hors la loi une entreprise légale, alors il serait légal pour un bar de vendre des gins tonics a des gamins, tout comme un casse réussi dans une banque deviendrait légal ! Ces justifications a posteriori sont totalement inacceptables, la loi est la loi, et ne dépend ni de la demande, ni du succès !

Le documentaire a attiré nombre de jeunes. N'y voyez-vous pas un effet positif ?
C’est en effet très heureux de voir de jeunes en masse au cinéma mais fort heureusement les 15-25 ans n’ont pas attendu les 500 séances surnuméraires de Kaizen pour venir en salles. Les jeunes vont voir des films américains en large nombre, mais aussi des films d’animation japonais. Quand on fait plus de 1/2 million d’entrées avec Suzume au cinéma, ce sont essentiellement des jeunes que l'on touche. Cela ne nous donne pas le droit de nous assoir sur la chronologie des media…

Que répondez-vous à ceux qui font de ce cas d'école une confrontation entre "anciens" et "modernes"?
C’est un débat totalement déplacé, la loi est la loi, qu’on soit “modernes” ou pas ! Si on trouve la chrono - qui je le rappelle est le résultat d’une entente entre les professionnels et les pouvoirs publics- has been alors , il faut oeuvrer au sein des organisations professionnelles pour la faire évoluer. Pareil pour les conditions du visa exceptionnel.
 
Le CNC dit souhaiter une concertation et remettre tout le monde autour d'une table. Cela vous semble-t-il utile ? Qu'en attendez-vous ?
En effet, cela parait souhaitable. Par contre, dans l’attente de cette concertation et de ses résultats, je ne vois pas comment on peut nier qu’un précédent a été acté par les salles comme par le CNC. En ce qui me concerne plus concrètement, je ne vois pas comment il serait juste et justifiable que Look Back, que nous avons sorti une semaine après Kaizen, mais dans le respect des 500 séances, ne bénéficie pas des mêmes indulgences du système et de la même impunité totale ! Qui pourrait accepter un tel 2 poids 2 mesure a environnement constant ! Il me semblerait normal de pouvoir à nouveau proposer 500 séances de Look back aux salles des lundi prochain, sans avoir a en souffrir aucune conséquence, tout comme nos collègues distributeur de Kaizen n’ont souffert d’aucune conséquence. Et cela d’autant plus que l’accueil de Look Back a été exceptionnel, ses entrées non négligeables (23 000 entrées sur 460 séances), la demande de son public jeune reste très pressante. Pourquoi ne pas les satisfaire puisque c’est un argument repris par tous ? Et contrairement à Kaizen qui était sur youtube le lendemain, Look Back est lui toujours inédit et invisible en dehors des 500 séances qui ont eu lieu.
 

Francois-Pier Pelinard-Lambert
© crédit photo : Eurozoom


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