Cinéma

Lumière MIFC 2024 - Le SDI en première ligne

Date de publication : 16/10/2024 - 08:15

Le Marché internationale du Film classique héberge, ce mercredi 16 octobre, les rendez-vous des distributeurs et éditeurs. L'occasion d'un entretien avec deux figures du Syndicat des distributeurs indépendants (SDI) : Marc Olry (Lost Films), vice-président en charge du patrimoine, et Jean-Fabrice Janaudy (Les Acacias), trésorier de l'organisation. 

Que représente le cinéma classique et de patrimoine au sein d’un syndicat comme le SDI ?
Marc Olry : Beaucoup ! Le SDI est le syndicat qui compte le plus de distributeurs spécialisés dans le cinéma de patrimoine. Environ une dizaine dont la plupart sont aussi éditeurs vidéo de classiques. Sans oublier ceux qui, occasionnellement, ont sorti ces dernières années des perles rares comme JHR (Neige, Hyènes), Survivance (Le déménagement, Typhoon Club), Condor (la rétrospective Joanna Hogg), Météore (la rétrospective Frederick Wiseman) ou encore Arizona qui avec Saravah, un documentaire autour de la musique brésilienne, a été le succès surprise de l'été. Après La jeune fille à l'écho et La belle, ED Distribution sortira pour Noël son troisième film du réalisateur Arunas Zébriunas, quand la Lituanie est justement le pays invité de ce 11e MIFC.
 
Votre organisation est particulièrement représentée à Lumière chaque année...
MO : Par la diversité et la richesse du syndicat, de ses membres qui restent, année après année, curieux, passionnés et motivés pour faire découvrir toutes les formes de cinéma. Aucun grand festival ne peut se faire sans le SDI. Une trentaine de films et six distributeurs sont présents à Lyon, toutes sections confondues. À commencer par le Prix Lumière et l'hommage rendu à Isabelle Huppert avec Coup de torchon et Coup de foudre (Tamasa), Sac de nœuds (Les Acacias), La cérémonie et Rien ne va plus (Carlotta Films). Idem pour la rétrospective Toshiro Mifune, soit six films SDI qui vont de Rashomon (Potemkine Films) à Soleil rouge (Tamasa), en passant par La légende de Musashi (Carlotta Films). Sans oublier les deux films de Giuseppe Tornatore, Cinema Paradiso et Ils vont tous bien (Les Acacias) ou les 30 ans de La reine Margot (photo) que prépare Malavida. Le Festival Lumière, c’est aussi un tremplin pour les rééditions à venir avec les projections en avant-première de The Small Black Room de Powell et Pressburger (Les Acacias), Quatre nuits d’un rêveur de Bresson (Carlotta Films), Hellraiser (L’Atelier d’Images), On aura tout vu de Georges Lautner (Malavida) ou Tasio une curiosité espagnole proposé par Tamasa. Cette diversité est aussi possible parce que beaucoup de distributeurs du SDI travaillent en étroite collaboration avec des maisons comme Gaumont, MK2, Pathé, Studiocanal ou TF1 Studio.
 
Vous présentez, via Les Acacias et L’Atelier Distribution, deux de vos adhérents, une étude de cas autour du Nom de la rose (photo), en quoi cette réédition (depuis le 21 février en salle par Les Acacias et TF1 Studio), est-elle significative du travail de distributeurs indépendants autour du patrimoine ?
Jean-Fabrice Janaudy : Le parcours du Nom de la rose, au cinéma comme en vidéo, reflète notre capacité à faire revivre un auteur, un film ou un territoire cinématographique, tout en s’affranchissant des nombreux obstacles inhérents à la taille de nos structures. Résoudre la question des droits et du matériel restauré en nouant des liens de confiance avec des cataloguistes français ou étrangers. Reconstruire, en particulier à travers nos éléments de communication, une mythologie qui rende les oeuvres actuelles. Convaincre, jour après jour, salle après salle, de la légitimité de nos choix dans un marché où le répertoire est souvent sous-considéré. Le tout dans un cadre budgétaire contraint. Le nom de la rose est un exemple parmi tant d’autres de ce travail acharné. Son succès ne doit cependant pas cacher la forêt de difficultés que nous rencontrons au quotidien.
 
Alors que s’ouvrent aujourd’hui les deux sessions de Rendez-vous avec les distributeurs et éditeurs au MIFC, pouvez-vous nous rappeler les enjeux de ce marché pour vos structures ?
JFJ : Le MIFC est un moment unique où la très grande diversité des acteurs du patrimoine peut se retrouver dans une atmosphère conviviale. C’est l’occasion de débattre sérieusement des sujets de fond qui nous préoccupent. Cette année, nous serons très attentif à la table-ronde consacrée à l’exposition des films de répertoire dans les salles de cinémas, à un moment où la toute nouvelle réforme art et essai ne nous semble pas particulièrement favorable. C’est aussi l'occasion, puisqu’il s’agit d’un marché, d’échanger sur nos projets respectifs et de conclure des "affaires", y compris au-delà de nos frontières. En effet, l’équipe du marché a réussi ce pari, année après année, de faire venir des quatre coins du monde des acteurs du patrimoine témoignant de leurs expériences et apportant de belles idées de rééditions.
 
Le segment du cinéma classique et de patrimoine, s’il se porte particulièrement bien au cinéma (4,4 millions d’entrées en 2023, un record depuis 1997), présente-t-il les mêmes tendances de concentration relevé sur le marché global de la salle en France ? Quel est le ressenti de vos structures adhérentes ?
MO : Le marché des classiques subit les mêmes travers que les nouveautés, avec une forte concentration sur quelques titres médiatisés, identifiés et plus rassurants à programmer. Au détriment des "lost films" pour lesquels il faut se battre encore plus qu’avant pour les faire exister auprès de la presse et du public. Au milieu de classiques comme Paris Texas ou Mon nom est Personne, il est plus difficile de faire découvrir des films comme L'homme qui voulait savoir de George Sluizer ou Trois milliards d'un coup de Peter Yates.
JFJ : J’ajouterai que nos structures indépendantes souffrent de ne pas être suffisamment écoutées ou prises au sérieux même lorsqu’elles ont de l’or entre les mains. Combien d’entrées annoncerions-nous aujourd’hui si Le nom de la rose, Paris Texas, ou les rétros Marcel Pagnol et Luchino Visconti étaient sortis en première semaine dans plus de 300 salles, comme cela a été le cas cette année pour d’autres rééditions distribuées par des majors...
MO : Heureusement que le public, en demande de patrimoine, et les salles qui nous font confiance, continuent de plébisciter Guitry, Pagnol, Ozu ou Malle. Car c'est notre mission de montrer inlassablement, au plus grand nombre, à travers tout le territoire et dans les meilleures conditions, les classiques intemporels et les grands auteurs du septième art. J’en profite pour rappeler qu’il faut, plus que jamais, préserver les dispositifs scolaires, qui sont actuellement remis en question, et s’assurer que le patrimoine ait une place prépondérante dans l’éducation à l’image.

Propos recueillis par Sylvain Devarieux
© crédit photo : Les Acacias - TF1 Studio


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