Lumière MIFC 2024 – Studiocanal, un catalogue d'exception

Date de publication : 18/10/2024 - 15:27

Anna Marsh, directrice générale de Studiocanal et directrice générale adjointe du groupe Canal+, est l'invitée d’honneur du Marché international du film classique. La dirigeante, lauréate du prix Fabienne Vonier 2024, aborde l’ambition de Studiocanal en matière de patrimoine. 

STUDIOCANAL possède un catalogue de plus de 9 000 titres, soit le plus important d’Europe et l’un des plus prestigieux au monde, qui couvre 100 ans d’histoire du cinéma à travers plus de 60 pays. C’est un véritable joyau que nous chérissons et que nous avons la responsabilité d’entretenir et de faire découvrir (ou redécouvrir) en le faisant voyager. Préserver un tel catalogue demande un travail quotidien, réalisé par nos équipes d’experts et de passionnés. Plus de 70 personnes sur l’ensemble de nos territoires œuvrent à faire vivre notre catalogue sur les petits écrans et en salles de cinéma.

Chez STUDIOCANAL, nous aimons penser que notre mission est de léguer aux générations futures un catalogue en meilleur état que celui qui nous a été transmis.

Avec l'acquisition d'Orange Studio, le catalogue s'est encore enrichi. Se pose désormais la question de la valorisation et de l'éditorialisation autour de vos œuvres. Quelle est votre approche à ce sujet ?

STUDIOCANAL, et plus largement le Groupe CANAL+, est très heureux d’avoir intégré les équipes d’Orange Studio dont la connaissance et la passion du cinéma rejoignent les nôtres. Nos visions et nos catalogues se complètent et s’enrichissent mutuellement, et STUDIOCANAL se donne pour mission de valoriser les œuvres d’Orange Studio avec le soin qu’il a toujours apporté à chacune des œuvres de son catalogue.

En 30 ans, nous avons intégré près d’une quinzaine de catalogues que nous savons exploiter avec précaution. Parmi les plus connus : DEG Library avec The Graduate ou The Producers (1994), Carolco Pictures avec Terminator 2 ou la trilogie Rambo (1996), UGC DA avec La Grande Illusion ou A Bout de Souffle (1996), Working Title avec Bridget Jones, Love Actually, Orgueil et Préjugés ou Billy Elliot (1999), Les Films Alain Sarde avec Mulholland Drive ou Nelly et Monsieur Arnaud (2004), Les Films Christian Fechner avec Un Crime au Paradis ou Les Amants du Pont Neuf (2007), et cette année Mars avec La Famille Bélier ou Demain Tout Commence, et Orange Studio avec Gainsbourg (Vie héroïque) ou The Artist.

Un tel catalogue demande un effort conséquent en termes de restauration et de numérisation ?

Restaurer et numériser un catalogue demande un réel savoir-faire, mais aussi une connaissance profonde du cinéma et de son évolution à travers le temps, pour respecter l’œuvre originelle du créateur. Restaurer une œuvre ne doit jamais la dénaturer, mais au contraire la sublimer et, même, l’immortaliser. Restaurer une pellicule, une couleur ou un son dégradé suppose un investissement conséquent. Depuis 7 ans, près de 25 millions d’euros ont ainsi été investis par STUDIOCANAL dans la restauration et la numérisation de près de 1 000 films classiques, contre 15 à 20 par an avant 2016.

C’est en cela que le travail de notre équipe de restauration est fondamental et admirable. Ce sont des artisans qui travaillent main dans la main avec les réalisateurs lorsque c’est encore possible. Par exemple, Marjane Satrapi s’est particulièrement impliquée lors de la restauration et de la ressortie de Persépolis en 2023, de même que Philippe Labro sur la restauration de Sans Mobile Apparent ou Roger Spottiswoode avec Air America. Parmi les restaurations récentes figurent aussi The Third Man de Carol Reed, Jeux Interdits de Réné Clément ou encore L’armée des Ombres de Jean-Pierre Melville. Ce film a par exemple demandé deux ans de travail à nos équipes en raison de la pellicule ternie par le temps et du travail documentaire pour retrouver la colorimétrie souhaitée par le réalisateur. Par ailleurs, nous sommes très fiers d’avoir déjà pu restaurer deux films Orange Studio, Ressources Humaines et L’Emploi du temps, afin de rendre hommage à Laurent Cantet.

Nous remercions nos partenaires laboratoires de Joinville-le-Pont, Paris ou Issy-les-Moulineaux, qui sont de véritables magiciens, et dont les murs sont parfois encore recouverts de peinture antifeu en raison du caractère inflammable de nos plus anciens négatifs nitrate. Le travail qui précède la numérisation en 4k est chronophage, puisque chaque image est copiée, soit 24 par seconde, donc 150.000 fichiers par long-métrage. Au total, nous stockons 15 millions de gigas de données !

Comment faites-vous rayonner ces œuvres à l'international ?

Là aussi, faire voyager une œuvre dans le monde entier suppose un réel savoir-faire. Chaque marché diffère en raison des différences culturelles et historiques selon le pays. L’une des forces de STUDIOCANAL est sa présence sur plusieurs territoires et ses équipes qui ont su peu à peu constituer un portefeuille de clients qui couvre l’ensemble des pays dans le monde, qu’il s’agisse de chaînes, de plateformes ou de distributeurs. Par exemple, nous collaborons régulièrement avec Rialto Pictures aux Etats-Unis pour la ressortie de la plupart de nos films, tels que Le Mépris en 2023 ou Monsieur Klein de Joseph Losey en 2019, qui était resté plus de 9 semaines à l’affiche à New York !

Les ventes internationales sont essentielles pour le catalogue et représentent environ 50% de sa distribution. Celle-ci se fait sur tous les médias, via la ressortie en salles, à la télévision, en vidéo à la demande ou DVD. A Noël 2023, nous avons par exemple ressorti dans le monde entier Love Actually à l’occasion des 20 ans du film.

Avec autant de titres prestigieux au sein de Studiocanal, ne pourriez-vous pas à l'avenir développer votre propre plateforme ? Aujourd'hui comment déployez-vous ces films sur le numérique ?

Nous l’avons déjà fait en Angleterre et en Allemagne, où nos équipes ont lancé une offre intitulée Studiocanal Presents, fondée sur un modèle de vidéo à la demande par abonnement.

De manière générale, le modèle de STUDIOCANAL repose sur sa capacité à travailler avec l’ensemble des acteurs du secteur, et ce dans le monde entier. Les chaînes traditionnelles, telles que CANAL+ et ses chaînes dédiées au cinéma ou les chaînes hertziennes telles que Arte et France 5, tout autant que les nouveaux acteurs que sont les plateformes généralistes – Netflix, Amazon Prime, Paramount+ – ou spécialisées – LaCinetek, UniversCiné – sont incontournables pour faire vivre le catalogue de STUDIOCANAL. Nous traitons avec ces acteurs du numérique autant qu’avec les chaînes de télévision.

Enfin, à titre personnel, auriez-vous des pépites au sein du catalogue que vous souhaiteriez recommander à nos lecteurs ?

Je tiens d’abord à évoquer Becoming Hitchcock – The Legacy of Blackmail, fabuleux documentaire sur le cinéma inimitable d’Alfred Hitchcock, produit par STUDIOCANAL et réalisé par le talentueux – et plusieurs fois récompensé – Laurent Bouzereau. Il sera projeté en avant-première au Festival Lumière, avant sa sortie en salles puis sur Studiocanal Presents en décembre 2024 en Allemagne et au Royaume-Uni, puis en janvier 2024 en France sur Ciné+ Classic et aux Etats-Unis sur Turner Classic Movie, avant d’être accessible sur Max pendant 2 mois aux Etats-Unis. Nous sommes aussi très reconnaissants à l’historien, critique et cinéaste reconnu Elvis Mitchell d’avoir accepté de narrer ce récit fascinant. Ce documentaire est un merveilleux exemple de la manière dont STUDIOCANAL fait vivre son catalogue, sous de multiples formes et avec des partenaires variés.

Et puis, à titre personnel, je ne pourrais que vous recommander de voir (ou de revoir !) Noblesse Oblige, Persepolis, La Taupe ou encore Troisième Homme dont nous fêterons les 75 ans cette année.