Jérémy Segay - Attaché audiovisuel régional au Vietnam
Date de publication : 08/11/2024 - 12:15
Dans la continuité du focus sur les réseau des attachés et correspondants audiovisuels français à travers le monde, publié dans l’hebdomadaire paru ce vendredi 8 novembre, nous publions en ligne celui sur Jérémy Segay. Attaché audiovisuel régional au Vietnam, basé à Hanoï, il intervient également sur le Laos, la Birmanie, la Thaïlande et le Cambodge.
Ayant été précédemment en poste à Taipei de 2011 à 2016, Jérémy Segay est arrivé au Vietnam fin 2021. Spécialisé dans le cinéma asiatique, il intervient sur des territoires très différent à la fois par leur histoire et leurs régimes politiques, mais surtout en termes de taille et de niveau de développement de leur écosystème audiovisuel. "Je suis attaché régional, mais l'essentiel de mon action concerne le Vietnam, qui est un pays de 100 millions d'habitants" résume ce dernier. "Des attachés culturels travaillent sur le Laos, le Cambodge et la Birmanie, où il existe assez peu d’enjeux en termes d’industrie. En fait ces trois pays font partie de la sphère culturelle thaïlandaise, et sur ces territoires, les exploitants ou les distributeurs sont avant tout des filiales de sociétés thaïlandaises".
Si le Vietnam s’est récemment fait remarquer par des grands prix en festivals et notamment la caméra d’Or cannoise attribuée en 2023 à Thien An Pham, pour L'Arbre aux papillons d'or, le cinéma vietnamien classique est resté longtemps quasi invisible en occident. "Le pays étant aligné sur l’URSS, ses films circulaient uniquement dans les festivals du Bloc de l'Est, de Karlovy-Vary à Moscou" reprend Jérémy Segay. "En dehors de cela ses oeuvres ont très peu circulé. Et, jusqu’au début des années 2000, le cinéma vietnamien est resté organisé dans la pure tradition soviétique, avec des studios et un monopole d'État, pour la production, la distribution, l'import, l'export et l'exploitation".
L’ouverture du pays a eu lieu au milieu des années 90. A la différence de la Chine, le Vietnam a alors totalement ouvert les secteurs de son cinéma, y compris l'exploitation, aux investissements privés, ce qui a profité aux géants du divertissement coréen. "Le Vietnam est passé de 90 écrans pour 100 millions d'habitants en 2010 à 1200 en 2019" précise Jérémy Segay. En toute logique, les coréens ont alors massivement investi dans la production en privilégiant les remakes de leurs propres succès, Pour ce faire ils ont pu s'appuyer principalement sur des cinéastes de la diaspora vietnamienne de Californie. En effet à la suite de la normalisation des relations avec les Etats-Unis en 1995, ces derniers ont pu revenir au pays, fort d’un savoir-faire en termes de cinéma de divertissement.
"La production avant la libéralisation n'était pas forcément uniquement idéologique, il y avait aussi des films de divertissement" détaille Jérémy Segay. "Mais l'industrie a basculé de Hanoï, capitale politique à Hô-Chi-Minh-Ville (ex Saïgon), la capitale économique, via des investissements coréens et le retour de la diaspora américaine". 50 millions d’entrées sont recensées annuellement, le public étant majoritairement jeune et urbain. Fait notable, contrairement à ses voisins d'Asie du Sud-Est, le cinéma vietnamien a rapidement atteint des parts de marché non négligeables, qui tournaient avant le Covid autour de 30% à 40%, et ce notamment au détriment des productions hollywoodiennes. En février 2024, le film Mai de Tran Thanh cinéaste et comédien particulièrement populaire, a ainsi fédéré 5,5 millions de spectateurs.
Cet écosystème a amené Jérémy Segay à adopter une méthode de travail particulière. "Le pays ayant été longtemps isolé, personne ne connait les grands comédiens français comme au Japon par exemple. Seule l’animation 3D y trouve sa place. J’ai donc fait en sorte de me constituer un carnet d’adresse au sein du secteur privé mais aussi de l’appareil administratif du pays et je suis allé voir tous les films vietnamiens qui sortaient, ce qui m’a permis d’échanger avec les réalisateurs et les producteurs". Il a mis en place une stratégie de diffusion culturelle en projetant une fois par semaine un film français n’ayant pas le profil d'une oeuvre importée par le marché. "Comme au moment de mon arrivée nous avons perdu le centre culturel que nous occupions depuis plus de vingt ans, avec un auditorium de 240 places, je suis allé voir différentes salles, en leur proposant, sur une base hebdomadaire, 50 films français par an, en leur fournissant l’ensemble du matériel de projection et de promotion. Cela m’a permis de constituer un réseau de salles partenaires. Et les chiffres très honorables que nous avons pu obtenir sur Saïgon ont inspiré des distributeurs qui ont tenté l'aventure avec Anatomie d'une chute ou encore Dodin Bouffant".
Jérémy Segay a aussi développé une autre stratégie notamment en faisant comprendre aux professionnels vietnamiens que la France pouvait être tout à fait abordable pour leurs tournages. "Nous avons organisé des conférences avec des directeurs de production, des producteurs exécutifs et avec Film France. Nous faisons également la promotion d'IP ou de remakes français".
La montée en gamme du cinéma vietnamien s’accompagne aussi du développement de son industrie des VFX, sur laquelle le PIDS Enghien a fait un focus en 2023. En témoigne la création de Bad Clay par Thierry Nguyen, qui a notamment fait ses classes chez Buff avant de partir à Londres. Son studio travaille pour l’industrie vietnamienne mais aussi de plus en plus pour les contenus coréens. Jérémy Segay a donc organisé en juin dernier un éductour afin d’amener des studios et des écoles françaises à Hô Chi Minh-Ville et à Bangkok, pour y découvrir le fonctionnement des écosystèmes locaux. "Le pari c’est de multiplier les échanges et les opportunités d'interaction, afin de créer des liens » explique l’attaché. "L’idée à moyen terme est faire émerger des offres de complémentarité qui pourraient intéresser le marché coréen".
Montée en partenariat avec le Marché du Film et l’ambassade de France, l’opération Fast Track to Cannes Market, permet de faire venir à Cannes deux jeunes professionnels vietnamiens issus de la distribution ou du marketing. "La France peut leur amener son expertise sur le marché international. Par ailleurs nous sommes le troisième producteur d'animation au monde. Or le Vietnam a une grosse activité de sous-traitance pour l'animation, y compris pour l’Hexagone. Nous essayons donc d'être leur partenaire pour le rayonnement à l’international du cinéma vietnamien mais aussi d’accompagner leur industrie de l’animation qui se situe à un moment charnière, celui du passage de la seule sous-traitance, vers la création originale" conclut Jérémy Segay.
Si le Vietnam s’est récemment fait remarquer par des grands prix en festivals et notamment la caméra d’Or cannoise attribuée en 2023 à Thien An Pham, pour L'Arbre aux papillons d'or, le cinéma vietnamien classique est resté longtemps quasi invisible en occident. "Le pays étant aligné sur l’URSS, ses films circulaient uniquement dans les festivals du Bloc de l'Est, de Karlovy-Vary à Moscou" reprend Jérémy Segay. "En dehors de cela ses oeuvres ont très peu circulé. Et, jusqu’au début des années 2000, le cinéma vietnamien est resté organisé dans la pure tradition soviétique, avec des studios et un monopole d'État, pour la production, la distribution, l'import, l'export et l'exploitation".
L’ouverture du pays a eu lieu au milieu des années 90. A la différence de la Chine, le Vietnam a alors totalement ouvert les secteurs de son cinéma, y compris l'exploitation, aux investissements privés, ce qui a profité aux géants du divertissement coréen. "Le Vietnam est passé de 90 écrans pour 100 millions d'habitants en 2010 à 1200 en 2019" précise Jérémy Segay. En toute logique, les coréens ont alors massivement investi dans la production en privilégiant les remakes de leurs propres succès, Pour ce faire ils ont pu s'appuyer principalement sur des cinéastes de la diaspora vietnamienne de Californie. En effet à la suite de la normalisation des relations avec les Etats-Unis en 1995, ces derniers ont pu revenir au pays, fort d’un savoir-faire en termes de cinéma de divertissement.
"La production avant la libéralisation n'était pas forcément uniquement idéologique, il y avait aussi des films de divertissement" détaille Jérémy Segay. "Mais l'industrie a basculé de Hanoï, capitale politique à Hô-Chi-Minh-Ville (ex Saïgon), la capitale économique, via des investissements coréens et le retour de la diaspora américaine". 50 millions d’entrées sont recensées annuellement, le public étant majoritairement jeune et urbain. Fait notable, contrairement à ses voisins d'Asie du Sud-Est, le cinéma vietnamien a rapidement atteint des parts de marché non négligeables, qui tournaient avant le Covid autour de 30% à 40%, et ce notamment au détriment des productions hollywoodiennes. En février 2024, le film Mai de Tran Thanh cinéaste et comédien particulièrement populaire, a ainsi fédéré 5,5 millions de spectateurs.
Cet écosystème a amené Jérémy Segay à adopter une méthode de travail particulière. "Le pays ayant été longtemps isolé, personne ne connait les grands comédiens français comme au Japon par exemple. Seule l’animation 3D y trouve sa place. J’ai donc fait en sorte de me constituer un carnet d’adresse au sein du secteur privé mais aussi de l’appareil administratif du pays et je suis allé voir tous les films vietnamiens qui sortaient, ce qui m’a permis d’échanger avec les réalisateurs et les producteurs". Il a mis en place une stratégie de diffusion culturelle en projetant une fois par semaine un film français n’ayant pas le profil d'une oeuvre importée par le marché. "Comme au moment de mon arrivée nous avons perdu le centre culturel que nous occupions depuis plus de vingt ans, avec un auditorium de 240 places, je suis allé voir différentes salles, en leur proposant, sur une base hebdomadaire, 50 films français par an, en leur fournissant l’ensemble du matériel de projection et de promotion. Cela m’a permis de constituer un réseau de salles partenaires. Et les chiffres très honorables que nous avons pu obtenir sur Saïgon ont inspiré des distributeurs qui ont tenté l'aventure avec Anatomie d'une chute ou encore Dodin Bouffant".
Jérémy Segay a aussi développé une autre stratégie notamment en faisant comprendre aux professionnels vietnamiens que la France pouvait être tout à fait abordable pour leurs tournages. "Nous avons organisé des conférences avec des directeurs de production, des producteurs exécutifs et avec Film France. Nous faisons également la promotion d'IP ou de remakes français".
La montée en gamme du cinéma vietnamien s’accompagne aussi du développement de son industrie des VFX, sur laquelle le PIDS Enghien a fait un focus en 2023. En témoigne la création de Bad Clay par Thierry Nguyen, qui a notamment fait ses classes chez Buff avant de partir à Londres. Son studio travaille pour l’industrie vietnamienne mais aussi de plus en plus pour les contenus coréens. Jérémy Segay a donc organisé en juin dernier un éductour afin d’amener des studios et des écoles françaises à Hô Chi Minh-Ville et à Bangkok, pour y découvrir le fonctionnement des écosystèmes locaux. "Le pari c’est de multiplier les échanges et les opportunités d'interaction, afin de créer des liens » explique l’attaché. "L’idée à moyen terme est faire émerger des offres de complémentarité qui pourraient intéresser le marché coréen".
Montée en partenariat avec le Marché du Film et l’ambassade de France, l’opération Fast Track to Cannes Market, permet de faire venir à Cannes deux jeunes professionnels vietnamiens issus de la distribution ou du marketing. "La France peut leur amener son expertise sur le marché international. Par ailleurs nous sommes le troisième producteur d'animation au monde. Or le Vietnam a une grosse activité de sous-traitance pour l'animation, y compris pour l’Hexagone. Nous essayons donc d'être leur partenaire pour le rayonnement à l’international du cinéma vietnamien mais aussi d’accompagner leur industrie de l’animation qui se situe à un moment charnière, celui du passage de la seule sous-traitance, vers la création originale" conclut Jérémy Segay.
Patrice Carré
© crédit photo : DR
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