Digital

Lumière MIFC 2021 - L’édition vidéo à la loupe

Date de publication : 13/10/2021 - 08:36

La table-ronde de cette première journée du Marché international du film classique fut l’occasion d’explorer la pluralité de pratiques dans l’édition vidéo, par le biais de cas concrets. Non sans exprimer quelques pistes de développement pour l’avenir.

Inaugurant le colloque de cette 9e édition du MIFC, cette première table-ronde se focalisait évidemment sur l’univers de la vidéo physique, dans le cadre de la journée qui lui est traditionnellement dédiée.

Cet échange animé par Alice Leroy, enseignante-chercheuse et critique, réunissait ainsi en présentiel Gaël Teicher, fondateur et directeur de La Traverse, et Nils Bouaziz, Pdg de Potemkine Films, deux structures françaises également distributrices en salle et éditrices ; et via vidéoconférence, Amy Heller et Dennis Doros, co-fondateurs de Milestone Film & Video, et Pip Chodorov, fondateur et directeur de RE:VOIR.

Le rendez-vous fut ainsi l’occasion pour chacun de ces professionnels de témoigner de leur parcours, leurs activités tout en évoquant brièvement leurs activités. Chose remarquable, la fondation de chacune de ces structures, pourtant singulières aussi bien en terme d’ancienneté (de 26 ans pour RE:VOIR à 15 ans pour Potemkine) que de positionnement ou même parfois de pays, tient à chaque fois de la nécessité d’éditer et de faire découvrir une œuvre méconnue et introuvable dans le territoire concerné. Une origine qui, sans pour autant enfermer chaque éditeur, a pourtant éditorialement marqué chacun d’eux pour les années qui suivirent.

Pour autant, interrogés sur leurs singularités éditoriales respectives, chacun des panélistes eut du mal à en définir des contours nets. S’il demeure certes évident que RE:VOIR, par exemple, se positionne sur le cinéma expérimental depuis ses origines, il est moins pertinent pour des éditeurs comme Milestone, Potemkine ou encore La Traverse – ces deux derniers étant également distributeurs en salle – de se positionner sur un créneau ou un segment spécifique de cinéma.
 
"Chaque œuvre est au présent"
"Ce qui porte notre travail, c’est en fait celui des cinéastes que nous éditons", explique ainsi Gaël Teicher. "Je n’aime pas l’appellation de ‘ligne éditoriale’, parce qu’elle est fausse : il n’y a pas de ligne à suivre. Nous faisons des choses très différentes mais qui, peu à peu, forment une mosaïque qui représente un petit regard sur le cinéma. Notre singularité est en fait une pluralité."

Tous s’accordent à exprimer, en tout cas, que leur travail du cinéma classique ou de patrimoine n’est en soi ni une stratégie ni une définition exclusive. "Je n’ai pas l’impression, quand on se colle à une œuvre de 20 ou 30 ans, de faire un travail patrimonial, car le cinéma, et chaque œuvre quel que soit son âge, est au présent", exprime le dirigeant de La Traverse. "Il y a un côté muséifiant du cinéma dans l’usage du mot patrimoine", le rejoint Nils Bouaziz. "Or ce n’est pas ce que l’on fait : dans notre travail, chaque œuvre est nouvelle et présente des caractéristiques modernes."

Accès aux films
Les panélistes ont également pu témoigner sur la question de l’accès aux œuvres. En cela, les réseaux divergent également au regard des différences évidentes entre les structures représentées à la table, mais le sujet demeure parfois épineux pour certaines œuvres les plus anciennes, souvent passées de catalogues en catalogues au fil des rachats, obligeant non seulement à se rapprocher au plus près, des institutions comme des ayants-droits. "Tous les moyens sont bons", pointe ainsi Amy Heller de Milestone. "Nous travaillons avec les archives, les cinéastes, le process est devenu de plus en plus individuel mais c’est élargi au fil du temps."

Dennis Doros est d’ailleurs président de l’Association of Moving Image Archivists (Amia), réseau international d’archivistes, fondé en 1990, et qui regroupe désormais un millier de membres issus de 29 territoires. Un réseau de passionnés considéré comme "très utile pour tisser des liens" dans une optique de prospection.

Editant pour sa part des cinéastes indépendants très majoritairement autoproduits, RE:VOIR s’appuie pour sa part sur sa spécialité pour prospecter avec une forte proximité. "Nos choix ne sont pas des choix, en fait, nous offrons un panorama du cinéma expérimental, qui devrait être disponible mais ne l’est finalement pas car aucun autre éditeur ne s’investit dedans."
 
Nécessaire diversification
La table-ronde fut en outre l’occasion de souligner la nécessité pour chaque structure de diversifier ses activités, afin de répondre aux contraintes actuelles du marché vidéo, qui a définitivement muté dans la dématérialisation lors de cette dernière décennie, tout en adressant là des problématiques économiques et de diffusion des œuvres.

Aussi, RE:VOIR, qui a la possibilité de se positionner sur les mandats mondiaux des œuvres, a lancé voilà deux semaines sa plateforme SVàD spécialisée dans le cinéma expérimental. "Cela nous permet de toucher des territoires dans lesquels nous ne pouvons pas introduire des DVD. Soit parce qu’ils ne sont plus majoritairement utilisés, soit parce que cela coûterait trop cher et serait trop compliqué d’éditer en local", explique son dirigeant.
 
Même problématique pour Milestone, qui a lancé sa propre plateforme fin 2019, juste avant l’éclatement de la crise pandémique mondiale. "Nous y proposons principalement des œuvres du catalogue dont nous n’avons plus de stocks physiques, ce qui nous épargne de dévoir relancer sans cesse des tirages", commente Amy Heller. "Mais nous nous félicitons de l’avoir fait avant le shutdown de 2020, car cela nous a permis de conserver une activité, mais également notre connexion avec notre communauté."

Du côté de La Traverse et Potemkine, la diversification était en fait présent dans l’ADN des structures dès l’origine. Avec toutefois une ouverture désormais sur l’édition libraire. "Il est essentiel aujourd’hui d’avoir plusieurs fenêtres de ventes pour nos films", avance Nils Bouaziz. "Aussi, nous essayons de nous positionner sur le plus de droits possibles, car l’économie du marché vidéo est si fragile qu’il faut multiplier les opportunités pour consolider notre activité."

Enjeux d’avenir
L’ouverture du débat au public de la salle Karbone fut en outre l’occasion de définir quelques pistes de réflexion sur l’avenir de la vidéo de patrimoine. Un segment qui échappe déjà à la décroissance fulgurante du secteur vidéo physique, appuyé lors de la crise sanitaire. "Dans un marché fragilisé, dans notre niche, nous avons déplacé l’activité sur les passionnés et les cinéphiles, et en cela, elle est désormais stabilisée", analyse le dirigeant de Potemkine. "En cela, la vidéo physique est appelé à rester, j’y crois beaucoup !"

Parmi les pistes abordées, plusieurs tournaient évidemment sur le renouvellement du public. Et si les éditeurs témoignaient tous d’un appétit renouvelé des publics jeunes, et notamment de plus de 20 ans, pour le cinéma classique, encouragé d’ailleurs par la consommation télévisée et VàD durant les confinements, plusieurs voix se sont élevées pour développer plus encore, et notamment en France, des plateformes entre éditeurs et institutions scolaires et universitaires, et notamment en dématérialisé.

Sylvain Devarieux
© crédit photo : 'L'annonce faire à Marie' d'Alain Cuny - Potemkine Films


L’accès à cet article est réservé aux abonnés.

Vous avez déjà un compte


Accès 24 heures

Pour lire cet article et accéder à tous les contenus du site durant 24 heures
cliquez ici


Recevez nos alertes email gratuites

s'inscrire