Tribune présidentielle 2022 - "Pour une exception culturelle numérique française" (Mathias Hautefort, Sevad)
Date de publication : 30/03/2022 - 10:15
À l'approche de l'élection présidentielle, Le film français propose aux organisations professionnelles du cinéma et de l'audiovisuel de prendre la parole sur leurs attentes vis-à-vis du prochain quinquennat. Aujourd'hui, Mathias Hautefort, président du Sevad, dresse les axes prioritaires des éditeurs de vidéo à la demande.
Les cinq années qui viennent de s’écouler ont profondément modifié le marché audiovisuel. Avec la crise sanitaire, elles ont accéléré le basculement vers le numérique de très nombreux amoureux du cinéma et des séries. Les jeunes générations sont désormais plus que jamais devant leur télévision, leurs smartphones ou leur PC pour découvrir les œuvres.
Ces dernières années ont également conforté les acteurs internationaux dans leurs projets d’expansion numérique mondiale et ont fragilisé les acteurs français soumis à une rude concurrence, de la salle à la vidéo à la demande, des auteurs aux chaînes de télévision. Au risque de terminer le prochain quinquennat dans un terrible huis clos entre les GAFAN et les producteurs français, cinéma comme audiovisuel, ce qui serait particulièrement périlleux pour la création indépendante. À l’aune de cette révolution numérique, il apparaît plus que jamais essentiel de garantir la diversité et la pluralité de l’offre, aussi bien en termes d’œuvres audiovisuelles et cinématographiques, piliers de la création française, qu’en termes d’acteurs économiques.
C’est la raison pour laquelle le prochain quinquennat doit être le théâtre de la mise en place d’un grand plan d’investissement numérique pour l’ensemble de la filière : de l’écriture à la réalité virtuelle, en passant par la salle et la vidéo à la demande. Pour construire cette nouvelle ambition numérique à l’heure du métavers, pour protéger la diversité et la richesse de la création française, pour permettre aux entreprises du secteur de se développer au-delà des frontières, les pouvoirs publics doivent mieux accompagner l’ensemble des entreprises du secteur.
Les plateformes de vidéo à la demande françaises, réunies au sein du Sevad (Syndicat des éditeurs de vidéo à la demande), sont au premier rang des entreprises concernées par cette mutation du marché audiovisuel. C’est la raison pour laquelle nous proposons dans cette tribune un certain nombre de pistes de réflexion destinées à faire de nos entreprises des fleurons de la réussite numérique française, des acteurs capables de figurer au casting du marché SMAD dans cinq ans, et à ce titre d’accompagner les acteurs de la filière française du cinéma et de l’audiovisuel dans leur développement digital.
Parmi les mesures à mettre en place, nous en identifions quatre très concrètes :
- Poursuivre la modernisation de la chronologie des médias en accélérant la mise à disposition des œuvres en numérique, par exemple tester une fenêtre à 45 jours après la salle pour la VàD Premium, et une généralisation de la dérogation à 3 mois pour l’achat digital ;
- Élargir le financement du pass culture aux acteurs européens de la VàD, et à la découverte d’œuvres françaises afin que les jeunes puissent découvrir la richesse de notre patrimoine cinématographique ;
- Mettre en place un soutien effectif du CNC pour les initiatives des plateformes VàD françaises qui se développent à l’international ;
- Améliorer le retour sur investissement des films français à travers les exploitations numériques à la demande en offrant aux plateformes VàD et également aux producteurs de ces œuvres, un modèle de "compte d’avance sur recettes numériques";
Cette dernière mesure – dont le financement est déjà assuré par la hausse de la TSV qui devrait atteindre les 200M€ de recettes annuelles au cours du quinquennat – doit permettre de mettre en place un mécanisme vertueux au bénéfice de l’exploitation des œuvres française en digital comme cela a été le cas depuis 60 ans avec succès pour la salle.
L’objectif final est que les plateformes françaises représentent 50% du chiffre d’affaires du marché numérique en 2027, au même titre que 60% des œuvres sur les plateformes doivent être des créations françaises et européennes.
Pour nourrir cette ambition et créer les conditions favorables au développement d’un nouvel écosystème numérique audiovisuel français performant, il convient de flécher à travers les outils d’aides du CNC un minimum de 10% de ses moyens à court terme pour viser 20% à la fin du prochain quinquennat vers les investissements et les acteurs économiques consacrés au numérique. C’est l’occasion ou jamais de réformer en profondeur le système d’aide du CNC et c’est à cette condition et à cette seule condition que l’exception culturelle numérique française pourra rayonner en France et à l’international.
C’est, enfin, au niveau européen que la France doit porter une ambition renouvelée de soutien aux plateformes et à l’exploitation des œuvres en numérique face à l’hégémonie déjà réelle des acteurs internationaux chez certains de nos voisins.
Florian Krieg
© crédit photo : DR
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