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6 ÉVÉNEMENT
[Cinéma]
À l’occasion du grand dîner organisé par l’Union des producteurs de cinéma
ce 10 mai à Cannes, son nouveau président, Frédéric Brillion, et un des deux coprésidents sortants,
Xavier Rigault, reviennent sur la fusion qui a donné naissance au syndicat, majoritaire dans le cinéma,
et sur son combat majeur : revaloriser le rôle du producteur indépendant. SARAH DROUHAUD
L’UPC SE MOBILISE
POUR REVALORISER
LE STATUT DU PRODUCTEUR
près une coprésidence de deux
ans assurée par Xavier Rigault LA RÉGULATION
(2.4.7. Films) et Alain Terzian (Alter
Films) pour réaliser la fusion de l’APC DE LA PRODUCTION
et de l’UPF, l’Union des producteurs
de cinéma (UPC) a élu son nouveau DOIT ÊTRE RECENTRÉE
président, le 3 mai, en la personne EN FAVEUR DU
Ade Frédéric Brillion ( Épithète Films).
Aujourd’hui, il en constate la réussite : “Les membres de PRODUCTEUR QUI INITIE
l’UPC forment un même collectif et non pas deux familles LES PROJETS.
qui cohabitent.” L’UPC compte aujourd’hui plus de 200 pro Frédéric Brillion
ducteurs indépendants de cinéma à l’origine de 60% des titres
ayant attiré plus de 500 000 spectateurs en France en 2017 et
six d’entre eux figurent dans le top 10 des producteurs dont effet à la fois spoliée par le piratage et détournée par des
les films ont réalisé le plus d’entrées à l’international (selon phénomènes de concentration qui se sont installés depuis
le classement UniFrance). Ils constituent, avec le collège des une dizaine d’années”, poursuit Xavier Rigault. “Cette situa
© MICHÈLE SEBBAG producteurs de films publicitaires qui les ont rejoints au sein tion exige que la régulation de la production soit recentrée
en faveur du producteur qui initie les projets”, enchaîne
de l’UPC, le syndicat majoritaire de la filière, selon les critères
du ministère du Travail, avec plus de 51% des effectifs de
salariés. “Et nous cherchons à élargir ce mouvement, nous Frédéric Brillion.
avons tous intérêt à nous réunir, à l’heure où tout l’enjeu est “LE PRODUCTEUR NE BÉNÉFICIE PLUS
justement de revaloriser le rôle du producteur indépendant”, QUE D’UN ESPOIR DE RECETTES”
ajoutetil. Les tensions sur le financement, avec notamment la baisse
Outre le fait qu’ils sont indépendants, ces producteurs sont des investissements de Canal+ de 20%, conduisent à une
d’abord les initiateurs de leurs films. “À la base d’un long réduction très importante des financements des films en
métrage, il y a un auteur et un producteur. Dans un marché amont qui n’est pas compensée en aval par les recettes
de l’offre qu’est le cinéma, le producteur est celui qui, en d’exploitation revenant au producteur (RNPP), dont les
accompagnant et en finançant les auteurs, prend l’initiative perspectives s’amenuisent drastiquement. “La diminution
des projets qui, in fine, créent la valeur. Mais il n’y a pas des investissements des chaînes payantes et des mandats
d’initiative sans risque. Si on obère la capacité du producteur notamment conduit à ce que pour produire un film, selon
à innover, à financer cette créativité socle de l’exception les chiffres du CNC, le producteur doit prendre seul en
culturelle, elle va disparaître et tout le marché sera impacté”, charge en moyenne plus de 20% du devis d’un film, dont
prévient Xavier Rigault, à l’heure où la production indé les frais généraux de la structure de production et la rému
pendante est, de l’avis général, de plus en plus fragilisée. nération du producteur, cela même après investissement
“Cette définition du producteur initiateur est le fondement du fonds de soutien. En face, le producteur ne bénéficie
de notre métier. 95% des films d’initiative française sont plus aujourd’hui que d’un espoir de recettes qui se réduit,
d’ailleurs initiés par des producteurs indépendants qui sont, en raison d’une combinaison de facteurs, dont une rotation
rappelonsle, responsables de la garantie de bonne fin d’une excessive des films en salle, une hausse des commissions
œuvre et les premiers détenteurs exclusifs des droits”, ajoute et une crosscolatéralisation des mandats de distribution,
Frédéric Brillion. “Le rôle du producteur indépendant est de un coût toujours plus important des bandesannonces et
prendre des risques pour initier, sans visibilité de marché, affiches payantes au cinéma.”
les projets qu’il développe, sachant que, selon les données Pour retrouver un peu d’air dans un marché en pleine
recueillies par l’UPC, au moins six films sur dix développés
© MANO POUR “LE FILM FRANÇAIS” ne vont pas jusqu’à leur terme. Ce risque est fondateur pour action du CNC sur le soutien automatique : “Le fonds de
mutation et faire face à l’urgence, l’UPC plaide pour une
la création et permet aux auteurs de vivre. Si celui qui prend
soutien producteur est le seul à faire l’objet d’une exigence
aussi systématique de partage de la part des autres
le risque au départ est en général celui qui doit recevoir la
intervenants dans les films”, constate Frédéric Brillion. Une
meilleure prime, dans le cinéma, la situation s’est inversée :
en dernier. L’enjeu est de vivre de la valeur que créent nos
producteur délégué soit rehaussée de 150 000 € à 300 000 €.
Une autre serait aussi de “revaloriser le soutien à la phase
entreprises mais beaucoup de sociétés de production sont
Frédéric Brillion ( Epithète Films) succède à Xavier le producteur est celui qui investit en premier et récupère mesure concrète serait pour l’UPC que la part réservée au
Rigault (2.4.7.Films) à la présidence de l’UPC. aujourd’hui dans une situation critique. Cette valeur est en de développement des œuvres”.
10 mai 2018