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En partenariat avec

Les déjeuners du Film français Cristina
à la Plage des Palmes et Ciro Guerra.
Gallego

Cristina vos acteurs sur place ?
Vous avez trouvé en partie
Gallego Cristina Gallego : Le film mêle des
comédiens recrutés localement, avec des
professionnels. La famille, qui est au centre
Ciro Guerra de l’histoire, est composée d’acteurs colom-
biens venant du théâtre ou de la télévision,
réalisateurs certains étant originaires de la Guajira.
Mais nous avons aussi pris des personnes
directement sur place, certaines étant assez
Votre film Les oiseaux de passage proches des personnages qu’elles incar-
a fait l’ouverture de la Quinzaine naient. L’un d’entre eux, Juan Bautista
mercredi soir. L’action se situe qui incarne Aníbal, a même joué un rôle
à une époque connue sous le nom actif pendant la Bonanza marimbera. Nous
de Bonanza marimbera. Comment l’avions rencontré lors du tournage d’un
la définir ? film précédent de Ciro, Los viajes del viento
Cristina Gallego : C’est une période dans lequel il joue. Il nous avait alors raconté
très précise située entre les années 1970 beaucoup d’histoires qui nous ont servis
et 1980. C’est à ce moment que le trafic pour le scénario. © JULIEN LIENARD POUR “LE FILM FRANÇAIS”
de drogue a commencé à s’organiser en
Colombie. Cela ne concernait alors que la Les dialogues du film sont en
marijuana dont la demande augmentait Wayuunaiki. Il n’est pas trop difficile
aux États-Unis. Mais en dépit d’appa- de diriger des comédiens dans une
rences assez festives, ce fut le début de la langue qu’on ne comprend pas ?
débâcle pour notre pays. Ciro Guerra : Non parce que ce n’est pas le
texte en tant que tel qui compte, mais l’émo- Camille Comment avez-vous vécu
Vous avez voulu tion véhiculée. Je dirai même que c’est une cette aventure ?
tourner sur les lieux mêmes façon quasi idéale de travailler car on a eu Vidal-Naquet F. M. : Le tournage a duré 30 jours qui se
de l’action ? affaire à des gens faisant en sorte de respec- sont avérés aussi intenses qu’exaltants. Il
Cristina Gallego : Effectivement, tout ter parfaitement nos intentions. réalisateur y avait beaucoup d’extérieurs nuit et, au-
se déroule dans une péninsule située Cristina Gallego : C’est une langue très delà de la nudité, les scènes de manipu-
au nord de la Colombie qui s’appelle la difficile, qui n’a pas simplifié la vie des lations étaient nombreuses et épuisantes.
Guajira, d’où a commencé l’exportation acteurs dont ce n’était pas la langue natale. Félix Maritaud Ce personnage à la présence terrienne et
de drogue. C’est une région extrêmement Ils ont travaillé avec un coach qui les a énor- animale m’a beaucoup appris sur moi.
désertique qui est habitée par la plus mément aidés à aborder chaque scène. comédien
importante communauté indigène de Comment s’est déroulé
Colombie, les Wayuus. Beaucoup d’entre La Quinzaine est un lieu important Votre premier film, Sauvage, le casting ?
eux vivent aussi au Venezuela voisin, la pour vous ? présenté à la Semaine de la critique, C. V.-N. : J’ai rencontré Félix, avant même
frontière tranversant la péninsule. Mais Ciro Guerra : Je trouve que c’est l’endroit s’articule par séquences. Pourquoi le casting. Par la suite, j’ai demandé aux
ils ne reconnaissent pas l’autorité des idéal pour présenter une œuvre car son ce choix ? jeunes gens qui auditionnaient de jouer
gouvernements centraux des deux pays, public est capable d’enthousiasme. Il y Camille Vidal-Naquet : C’est effec- une scène dans laquelle ils trouvaient
administrant eux-mêmes leur commu- règne aussi une vraie conjonction entre tivement un film très heurté dont la un sac de vêtements et se changeaient
nauté avec leurs propres lois. Parado- l’art et l’industrie. Faire l’ouverture de succession d’instantanés m’a été inspirée en pleine rue en se mettant nus. Félix est
xalement, c’est une société matriarcale cette édition anniversaire est un grand par la construction de Flesh de Paul celui qui a abordé cette situation le plus
mais en même temps très machiste. honneur. Patrice Carré Morissey. La difficulté d’une chronique, simplement, en restant dans le réel.
c’est de trouver une porte d’entrée. Sau- F. M. : Je me suis demandé à quoi ça
vage raconte en fait une histoire d’amour pouvait servir, mais je ne me suis pas posé
Félix Maritaud et Camille Vidal-Naquet. très tendre qui contraste avec la dureté vraiment de questions et j’ai laissé parler
des séquences de rue. Au tournage, j’ai mon instinct.
tenu à faire exister tous les protagonistes,
mais on a coupé toutes les digressions au Quels sont vos projets ?
moment du montage. La première version F. M. Après avoir monté les marches l’an
du film durait 3 h 30 ! Je voulais souligner dernier avec l’équipe de 120 battements
la violence que représente l’exclusion par minute, alors qu’on était en plein tour-
sans céder à l’analyse sociale. Il s’agissait nage de Sauvage, et avoir présenté à la
moins de l’expliquer que de montrer ce que Semaine de la critique Les îles qui a obtenu
ça représente de vivre avec. Le personnage la Queer Palm du court métrage, je tiens
principal ne fait qu’imiter le cynisme des un petit rôle dans Un couteau dans le cœur
prostitués. Il se caractérise plus par son qui sera présenté en compétition le 17 mai
endurance et sa résilience que par sa force. et sortira le 20 juin. J’ai également tourné
Félix Maritaud : Ce personnage réagit par un téléfilm de Christophe Charrier pour
instinct et ne fait aucun effort pour être Arte intitulé Jonas.
aimé, mais il ne porte aucun jugement. C. V.-N. : De mon côté, j’ai commencé
Il apporte en quelque sorte un rayon de à écrire mon deuxième film, mais je n’ai
lumière sur des clichés naturalistes. encore rien fait lire à personne, pas même
© JULIEN LIENARD POUR “LE FILM FRANÇAIS” Sauvage, nous avons travaillé avec une
à mes producteurs auxquels je reste fidèle.
Je leur accorde une entière confiance. Pour
petite équipe sans la moindre pression
et je n’ai jamais imaginé que le film se
retrouve un jour à Cannes. C’est d’ailleurs
la première fois que j’y viens.

10 mai 2018 Jean-Philippe Guerand