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18 RENCONTRE
Alors qu’elle fête ses 20 ans, Carlotta Films profite d’une belle
présence sur La Croisette, avec six sélections à Cannes Classics.
L’occasion de revenir, avec son dirigeant, sur son aventure de
VINCENT amitié avec le regretté Pierre Rissient, dont la société présente
distribution, son regard sur le marché du patrimoine et son
Cinq et la peau, son œuvre mythique. SYLVAIN DEVARIEUX
PAUL-BONCOUR
Distributeur et directeur général de Carlotta Films
© JULIEN LIENARD POUR “LE FILM FRANÇAIS” CLASSICS SORTENT SUR GRAND ÉCRAN. vidéo. Ce sera le cas pour Cinq et la peau,
TOUS NOS FILMS PRÉSENTÉS À CANNES
qui demeure un bon exemple des synergies
que nous souhaitons mettre en place.
Pierre Rissient nous
DE NOTRE TRAVAIL À L’ANNÉE,
Carlotta Films célèbre ses 20 ans ET CE PANEL EST REPRÉSENTATIF a malheureusement quittés
la semaine dernière,
cette année. Comment jugez-vous et le Festival a décidé de lui dédier
le chemin parcouru ? D’UNE GRANDE DIVERSITÉ. cette édition 2018. Votre réédition
Pour une société indépendante partie de Cinq et la peau le 30 mai
avec un seul film, La mort aux trousses et sa présentation sur La Croisette
d’Alfred Hitchcock, on peut dire que c’est Cette événementialisation films présentés à Cannes Classics sortent doivent aujourd’hui revêtir
plutôt un beau parcours. Nous marquons sous la forme de rétrospectives sur grand écran. Et ce panel est repré- une signification particulière…
l’anniversaire, bien sûr, avec des festivals et devient-elle incontournable ? sentatif de notre travail à l’année, d’une Mon amitié avec Pierre Rissient remonte
lieux amis, mais sans trop l’afficher. Nous Tout à fait. Évidemment, si nous l’avons grande diversité. Un équilibre naturel entre à plus de 20 ans, avant même de créer
allons surtout rebondir sur notre actualité, fait encore pour Buñuel ou Fassbinder, classiques majeurs de l’Histoire du cinéma Carlotta. Il parlait tout le temps des films
qui correspond aux 20 ans écoulés : les et bientôt Bergman, nous ne pouvons et œuvres importantes mais peu visibles. des autres, mais presque jamais de ses
rétrospectives Fassbinder, Ozu cet été, ou pas le faire pour tous. Nous accentuons propres réalisations. Et notamment Cinq
encore Bergman à la rentrée, des auteurs cette ligne, car elle s’intègre parfaitement Dans l’actualité cannoise, et la peau, devenu culte. Le film restait
que nous travaillons une fois de plus au dans notre approche de distributeur. Sorti il y a cet hommage à Ingmar invisible, question de droits et surtout de
présent. Nous restons dans la transmission indépendamment, un titre a plus de mal à Bergman. En quoi le cinéaste matériel. Lorsque TF1 Studio l’a exhumé
et la découverte de la cinéphilie. exister de nos jours. Il y a aujourd’hui près suédois est-il actuel ? de son catalogue, naturellement nous nous
de quatre rééditions en salle en moyenne Nous abordons là une œuvre immense. sommes rapprochés, Carlotta distribuant
Comment avez-vous vu évoluer par semaine. Les grands événements Évidemment, il y a la mention capitale au cinéma pour le compte de TF1, et une
le marché depuis vos débuts ? rétrospectifs forment une proposition plus dans l’Histoire du cinéma et le respect coédition en DVD et blu-ray, avec une édi-
Ce n’est plus le même, évidemment. forte. D’autant que cela semble répondre à cinéphile, mais au-delà, ce sont surtout tion prestige limitée. Depuis plus d’un an,
L’évolution la plus marquante fut bien sûr une vraie envie du marché de ne pas limi- des films qui transcendent les décennies nous travaillions à la programmation du
le numérique. Et pas forcément pour le ter sa redécouverte à seulement une ou et les générations, sans jamais perdre leur film à Cannes Classics. Cinq et la peau se
public, parce qu’il se déplace surtout pour deux œuvres d’un cinéaste majeur. Les caractère universel dans leur signification préparait à exister comme jamais, avec lui.
voir un beau film dans un beau lieu. Mais spectateurs sont parfois un peu perdus et leurs thématiques. Elles parlent encore Il s’en faisait une joie. La séance cannoise
pour nous, distributeurs surtout dédiés au dans tout le flux audiovisuel, et ont aussi à un public contemporain, dans un cadre va ainsi se transformer en hommage qui
patrimoine, ce fut même une révolution, qui besoin d’être guidés par des événements formel aussi très moderne. En collabo- sera forcément beau, touchant et émou-
garantit aussi une qualité de restauration. phares. Et surtout cela permet un accompa- ration avec Studiocanal, nous distribue- vant. Mais il aurait dû être là.
Au final, le nombre d’entrées ou de circula- gnement plus valorisant des institutions ou rons en salle Bergman, une année dans
tions n’a pas évolué, mais l’offre a explosé. des festivals. D’autant que nous touchons une vie, mais aussi Le septième sceau et
là l’essence de la cinéphilie française, très une rétrospective de 20 films à partir de
Cela a-t-il suivi côté public ? centrée sur la notion de réalisateur-auteur, la rentrée. Avec deux points d’orgue qui
Pour moi, le public n’est pas plus unique au monde. suivront la rampe cannoise : une rétrospec-
nombreux. Il n’a pas non plus rétréci, ce tive à La Rochelle fin juin et une autre à
e
qui est déjà une victoire. Mais comme on Ce 71 Festival marque une année la Cinémathèque française en septembre.
compte près de dix fois plus de proposi- particulière pour Carlotta, avec six CARLOTTA
tions en salle, il est moins fort car réparti titres à Cannes Classics. Comment Vous avez lancé voilà déjà cinq À CANNES CLASSICS
sur plus de films. Ce qui oblige à déployer accueillez-vous ces sélections ? ans votre activité aux États-Unis,
plus de moyens et d’énergie qu’auparavant Peut-être que nous n’avons jamais eu autant comment se porte-t-elle ? Voyage à Tokyo de Yasujirô Ozu (1953)
pour obtenir des résultats équivalents au de films présentés sur une édition, et cela Carlotta Films US intervient en complé- Le spécialiste de Sergio Corbucci (1969)
guichet. Cela dit, les succès, et surtout est surtout lié aux hasards de l’actualité, ment à notre travail en France, avec l’envie Le septième sceau
pour les rétrospectives, sont plus forts qu’il des acquisitions et des rééditions. C’est de développer notre savoir-faire sur un d’Ingmar Bergman (1957)
y a 10 ou 20 ans. aussi dû au fait que nous accentuons notre territoire que nous connaissons. C’est Bergman, une année dans une vie de
présence sur l’actualité des restaurations, une bonne expérience. Notre stratégie est Jane Magnusson (documentaire inédit)
souvent liée aux partenariats que nous de nous positionner de plus en plus, dès
avons tissés en toute confiance avec distri- l’acquisition, sur les droits français comme Cinq et la peau de Pierre Rissient (1981)
buteurs et ayants droit. C’est une reconnais- américains. Le travail de promotion part de Cyrano de Bergerac
sance de notre accompagnement, qui met France, avant une sortie dans la foulée dans de Jean-Paul Rappeneau (1990)
en avant ces travaux en salle. Car tous nos l’Hexagone et aux États-Unis, en salle puis
13 mai 2018
www.lefilmfrancais.com
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