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6 ÉVÉNEMENT
[Financement]
En plus de la politique culturelle de la France dans le cinéma et investisseurs privés pour apporter plus d’argent. Et non
l’audiovisuel, le rapport de Dominique Boutonnat propose de développer pas, comme a insisté Dominique Boutonnat publiquement
lorsduFestivaldeCannes,danslebutdesesubstituer
des outils pour renforcer les sociétés du secteur et faire face à la mutation à des financements publics. Mais pour cela, il propose
auparavant d’améliorer la rentabilité des films, de redonner
de l’environnement économique de la filière. SARAH DROUHAUD unevaleurdemarchéàtouteslesfenêtresd’exploitation
viadeux mesures.Enintégrantlesfraisd’éditiondans
LES PISTES alignantlesintérêtsdesproducteursetdesdistributeurs
lebudget– déjàproposéparlerapportBonnell –eten
etdetouslesfinanceursaupremier euro(conditionspari
passu) sur les recettes. Il préconise aussi de réviser, déjà, la
chronologie des médias. Si tout le monde a conscience que
celle ratifiée en décembre 2018 était transitoire, voire obso-
BOUTONNAT lète,lerapportprôned’arriveràtermeàuneplusgrande
contractualisation dans les mains des producteurs et des
distributeurs tout en gardant des garde-fous. Il recom-
mande aussi de donner la possibilité, en accord avec le
producteur, de choisir de ne pas sortir en salle, et plus
largement de favoriser des passerelles entre cinéma et
audiovisuel.
LA CRÉATION D’UN FONDS DE CAPITAL-
nnoncée l’an passé à Cannes comme INVESTISSEMENT GÉRÉ PAR LA BPI
devant porter sur de nouveaux LE RAPPORT PROPOSE Ensuite, afin de renforcer la confiance aux investisseurs
instruments de financement privé privésdansunsecteurquin’apparaîtpasencoreassez
dans le cinéma, la mission de UNE APPROCHE transparent, malgré les mesures déjà prises depuis
Dominique Boutonnat était bouclée plusieursannéesenlamatière,lerapporttablesurl’utili-
depuis plusieurs mois, mais le ÉCONOMIQUE sation de la blockchain pour moderniser le RCA et assurer
rapport n’a été rendu public qu’à la ET FINANCIÈRE une remontée directe des recettes.
e
Aveille de l’ouverture du 72 Festival Pour faire venir des investisseurs privés, il mise sur une
de Cannes. Et le résultat a surpris. D’une part, car le DU SECTEUR, POUR logique de financement des entreprises de production et
champ du rapport a pu apparaître plus vaste que le sujet UTILISER LA CULTURE de distribution en plus de celle du préfinancement des
pouvait laisser penser et, d’autre part, il est apparu comme œuvres. Avec le but de faire émerger des sociétés plus
une feuille de route entérinée par Emmanuel Macron. Le ENTREPRENEURIALE solides aussi bien dans l’audiovisuel que dans le cinéma,
président de la République l’avait dévoilé lors du déjeuner quelque soit la taille des entreprises.
organiséàl’Élyséele13 maisurlethèmedesindustries DÉJÀ EXISTANTES DES Afin d’amorcer ce mouvement, le rapport table sur la
culturelles et créatives, en annonçant aussi un fonds dédié SOCIÉTÉS DE PRODUCTION création d’un fonds de capital-investissement géré par la
de225 M€.Maislerapportestdésormaisentrelesmains BPI,quiprofiteraitde80à100 M€(audiovisueletcinéma
des ministres de la Culture et de l’Économie. ET DE DISTRIBUTION. confondus)surles225 M€précités,pourinvestirdans
Embrassant à la fois le financement de la production et de les fonds propres des entreprises. Il entrerait dans leur
la distribution cinématographiques et audiovisuelles, le capital et aurait vocation à accompagner leurs projets de
rapportproposeuneapprocheéconomiqueetfinancière le cinéma, le scénario le plus pessimiste table sur un développement et faire émerger “quelques champions natio-
du secteur, pour utiliser une culture entrepreneuriale déjà reculdesinvestissementsde25%,à800 M€àl’horizon naux”. L’Ifcic, qui a dans son capital la BPI mais dont les
existante. Soit une approche inhabituelle pour ce secteur 2022.PuisquelaFrance,etmêmel’Europe,aperduàce pratiques sont plus adaptées au secteur que celles de cette
dans un rapport commandé par les pouvoirs publics. stade le combat avec les plateformes, le rapport propose dernière,del’avisdenombreuxconnaisseurs,travailleàun
D’abord, le rapport établit un état des lieux des inves- de se focaliser sur la bataille des œuvres, à un moment instrument intermédiaire : un outil de quasi-fonds propre
tissements actuels et objective la fragilité du modèle oùlademandeenlamatièren’ajamaisétéaussiforte. (unprêtparticipatifàsept ans)quiauraitl’avantagedene
français, face à la baisse constante des apports des acteurs Et cela en s’appuyant sur des atouts exceptionnels de pas entrer dans le capital des sociétés tout en permettant
historiques– leschaînesdetélévisionenparticulier –,un l’Hexagone,sonécosystème,sontissudeprofessionnels de renforcer leurs moyens, notamment pour investir en
soutien public déjà important et qui, dans le contexte indépendants, ses auteurs, son rayonnement international, développement.FranckRiesteraprécisé,lorsdesoninter-
actuel, ne va pas augmenter, et la forte concurrence des ses écoles, etc. Pour cela, il veut renforcer les moyens des ventionàCannesle19 mai,quelacapacitédel’Ifcicde
plateformes américaines qui viennent le percuter. Dans entreprises du secteur en favorisant l’entrée de nouveaux délivrercesprêtsparticipatifsseraaccrue.
Enoutre,lerapportsuggèredemobiliserl’épargnedes
particuliers, notamment dans l’assurance-vie. Car, grâce
Dominique à la récente loi Pacte, cette manne va désormais pouvoir
Boutonnat êtreinvestiedansl’économieréelle.Ils’agiraitalorsde
et Frédérique créerdesvéhiculesfinanciers(detypeFPCIetFCPR)qui
Bredin lors seraient dédiés aux industries culturelles. Ils pourraient
d’une table s’appuyer pour démarrer sur la BPI afin de rassurer les
ronde
le 17 mai investisseurs. Le rapport propose également la tenue d’une
pendant le conférence annuelle des financeurs du secteur pour suivre
72 Festival sesévolutions.FrankRiesteraindiquéquelapremière,
e
de Cannes. qu’ilprésidera,auralieutrèsprochainement.
Un autre volet important du rapport de Dominique
BoutonnatportesurleCNC,pourlequelilprôneune
réflexion pour recentrer ses missions de politique cultu-
relle, tout en développant ses compétences économiques
pouraccompagnerlatransitiondelafilièreavecune
stratégieàcinq ans.Ildevraitnotammentrepenserle
systèmed’aide,pourlerendrepluslisible,etrepenserle
soutien entre les producteurs “en fonction des négociations
avec les chaînes”, parmi d’autres suggestions. Autant de
préconisations qui devront se conjuguer avec le projet de
loiaudiovisuellepouradapterl’écosystèmefrançaisàla
© DR mutationprofondedusecteur.
23-24 mai 2019