Annecy 2015 - Vincent Meslet (Arte) : "L'animation est un art ludique majeur"
Engagée comme jamais dans l’animation, un genre qu’elle veut "majeur au même titre que la fiction, le documentaire, le cinéma et le spectacle vivant", Arte présente sa stratégie ce jeudi 18 juin. Vincent Meslet, directeur éditorial d'Arte France, nous en livre les grandes lignes.
Quel message voulez-vous faire passer en étant présent aujourd’hui à Annecy ?
Le principal message, c’est que depuis quatre ans, Arte a décidé de développer et de diversifier sa politique en termes d’animation. En plus de notre accompagnement traditionnel dans le domaine du court métrage et du documentaire, illustré par le célèbre Valse avec Bachir, nous avons mis en place une politique globale qui sera très visible à la rentrée : en cinéma, programmes courts, documentaires, et bien sûr, courts métrages.
Concrètement, comment cette politique se traduit-elle pour chaque domaine ?
Chaque année, depuis 2012, Arte France Cinéma coproduit un film d'animation. Celui qui sortira en 2015 est Avril et le monde truqué de Franck Ekinci et Christian Desmares, en sélection officielle à Annecy. Deux autres sont en développement, The Red Turtle de Michaël Dudok De Wit et Louise en hiver de Jean-François Laguionie. Concernant les programmes courts destinés à l’antenne, nous venons tout juste de nous engager sur le développement du pilote d'une adaptation, Blaise, d’après la bande dessinée de Dimitri Planchon, aux éditions Glénat, par exemple. Elle est produite par KG Productions (Alexandre Gavras), avec le studio Je Suis Bien Content.
Quels sont les autres séries à venir ?
Outre Silex and the City et Tout est vrai (ou presque), dont les nouvelles saisons arriveront à la rentrée, nous en proposerons d'autres issues de notre appel d’offres, comme Objectivement (40x 2min15, Pata Film), sur la vie quotidienne des objets de tous les jours, avec les voix de Nicole Ferroni ou Reda Kateb, et Tu mourras moins bête (30x3 min, Studio Folimage, Ex Nihilo). Adaptée du blog et de la BD de Marion Montaigne, elle aborde la science de manière décalée. François Morel lui prête sa voix. L'année prochaine, arriveront Salaire net et monde de brutes (30x3 min, Slow Production, La Station Animation), sur la précarité de l’emploi, avec, cette fois, les voix de Valérie Donzelli, Jérémie Elkaïm et Marianne James.
Cette politique sur l’antenne est complétée sur le web par des séries comme Ploup (40x2 min, La Blogothèque Productions), Pigeons & dragons (30x3 min, La Blogothèque Productions, Everybody On Deck), Kestuf’ (10x2 min, Kawa Animation)…
Et dans le documentaire ?
Nous poursuivons évidemment l’une des traditions d’Arte, à savoir le recours à l’animation dans le documentaire. À Annecy, nous présenterons la série de Dan Franck, Les aventuriers de l’art moderne (6x52 min, Silex Films), ou encore Les 18 fugitives d’Amer Shomali et Paul Cowan (Bellota Films, Dar Films, Intuitive Pictures), un documentaire animé qui se passe pendant la première Intifada. Enfin, est également poursuivie la politique de courts métrages menée par Hélène Vayssières, qui nous vaut toujours des sélections, à Annecy. Cette année, nous en avons quatre en compétition : Sexy Laundry (Sexe pour blasés), Qui j’ose aimer, Planet et Autos portraits. Ce qu’il faut retenir de tout ça, c’est la volonté de proposer une animation pour adultes, donc différente comparé aux autres chaînes positionnées sur la jeunesse, et cette manière de considérer le genre comme un art ludique majeur, présent dans l’ensemble de notre grille.
Et d’un point de vue budgétaire, comment cette volonté se concrétise-t-elle ?
Je n’ai pas de chiffre consolidé à vous donner dans la mesure où cet investissement est géré unité par unité. En revanche, je peux vous dire que notre apport se situe autour de 500 000 € pour les longs métrages, et de 300 000 € à 400 000 € pour les programmes courts, selon le nombre d’épisodes. Pour le documentaire, nous nous situons dans le financement classique d’un unitaire.
Plutôt qu’un engagement financier en tant que tel, l’enjeu pour nous est de signifier que l’animation est un genre de création à part entière qui a toute sa place sur Arte, et que dans chacune des unités, on se saisisse de ce langage qui permet d’aborder des thèmes difficilement abordables par la fiction et le documentaire classiques. Derrière ça, je le répète, c’est son statut culturel qui nous intéresse, tout en traitant de sujets de société avec Salaire net et monde de brutes, de géopolitique avec Les 18 fugitives… Et en plus, ces programmes sont bien exposés. Je pense aux séries courtes, à 20h45.
À ce propos, à quelle heure seront programmés vos préachats de cinéma, les rares chaînes qui financent du long d’animation reléguant souvent les leurs en deuxième partie de soirée, au motif que le genre ne fait pas d’audience, hors blockbusters ?
D’une part, nos critères d’audience ne sont pas les mêmes que ceux des autres chaînes. D’autre part, je reste assez prudent en matière de programmation. Généralement, les films coproduits par la filiale sont diffusés les mercredis en première ou en deuxième partie de soirée, selon l’accueil du public à leur sortie en salle. Maintenant, nous espérons fortement pouvoir proposer de l’animation à 20h50. La meilleure preuve que je puisse vous donner est la rediffusion récente du Tombeau des lucioles d’Isao Takahata, à 20h50 !
Un film par an financé par Arte France Cinéma, c’est mieux qu’avant mais pas suffisant en regard de l’explosion du volume de projets, supérieur au nombre de guichets dans l’Hexagone. Pourriez-vous augmenter votre accompagnement ?
Sur 25 films coproduits par la filiale chaque année, dont trois documentaires, nous préachetons un film d’animation depuis l’arrivée de Véronique Cayla et Anne Durupty qui, venant du CNC, étaient très sensibilisées à ce secteur et à sa prospérité. Nous venons de créer un nouveau guichet. Quant à savoir s’il augmentera, c’est trop tôt pour le dire.
En attendant de connaître votre préachat 2015, annoncé en fin d’année, pouvez-vous nous dire si les jeux sont ouverts ? Ou pas ?
Les jeux sont ouverts !
Propos recueillis par Emmanuelle Miquet
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