Discop Africa Abidjan 2016 : Rencontre avec Yolande Bogui, fondatrice de Emmaus Production
La société se positionne sur le créneau des séries produites localement. Mais le quotidien des producteurs indépendants ivoiriens est un combat permanent.
Comment présentez-vous Emmaus production ?
C’est une société ivoirienne de production et de distribution de contenus audiovisuels, qui existe depuis 2010. Mais je suis dans le métier depuis plus longtemps. Je me suis notamment occupée des ventes du téléfilm Ma Famille, qui est très connu en Côte d’Ivoire. Et depuis j’ai produit une série qui en est à sa deuxième saison : L'histoire d’une vie. Elle a été diffusée sur TV5, Canal+ et beaucoup d’autres chaînes africaines.
Les chaînes régionale achètent aussi ?
Oui mais c’est difficile. Même quand elles sont intéressées, les retours financiers sont faibles.
Quels financements avez-vous trouvé pour votre série ?
La plupart du temps nous nous auto-finançons. Nous arrivons aussi à trouver des préachats. Sur la première saison j’ai eu un coproducteur, qui est Groupe Ouest Audiovisuel et sur la deuxième saison c’est A+ qui m’a accompagnée.
Le maillon faible reste le financement. Comment trouver des sources supplémentaires ?
Aujourd’hui la réflexion porte sur la manière de trouver des financements locaux. Notre secteur n’est pas reconnu, donc les banques n’ont pas confiance. Alors nous essayons de diversifier nos sources de financements en nous adressant par exemple à des particuliers fortunés. Et l’ouverture de nouvelles chaînes nous donne des opportunités de partenariats que nous exploitons afin de finaliser nos projets. Mais c’est très difficile. Pour la saison 2 de L’histoire d’une vie que nous venons de produire, on ne peut pas payer tout le monde. On n’a pas eu un budget suffisant
Que raconte cette série ?
C’est une fiction sur le quotidien ivoirien, qui raconte tout ce que nous vivons, nos joies, nos peines, nos difficultés. L’objectif est de montrer que la jeunesse ivoirienne va se lever pour aller vers le développement en bravant de multiples obstacles.
Il existe chez cette jeunesse une vraie volonté de créer ici, en Côte d’Ivoire ?
C’est une certitude. Il y a ce créneau de la production audiovisuelle qui pourrait donner du travail à beaucoup de jeunes. Il existe des figures de proue comme Guy Kalou. Mais la grande difficulté, c’est que notre secteur est encore informel, il n’est régi par aucun texte. Nous ne sommes absolument pas pris en compte officiellement par l’État. Il y a donc tout un travail en amont que nous sommes en train de faire afin que le secteur s’organise et que tous ces rêves, toute cette volonté, s’affirment et se développent. Pour l’instant tout est embryonnaire et c’est compliqué. Nous sommes passionnés, mais le quotidien est très très difficile.
Le Discop est un moment important ?
Bien sûr puisque je suis productrice et distributrice. En outre je suis administratrice Burida (Bureau ivoirien des droits d’auteurs NDLR) et je représente le collège des producteurs audiovisuels. Donc je suis ici à double titre pour chercher des pistes et des contacts. C’est encore un Discop de démarrage, ce n’est pas comme ce que l’on peut voir au MipTV à Cannes, mais nous avons l’espoir que cela se développe. Donc il faut être là, expliquer encore et toujours ses projets. Mais même trouver des contacts et susciter de l’intérêt ne suffit pas à produire une œuvre. On assure juste le minimum mais pour le reste il faut encore courir. Ce n’est pas un métier facile, mais on se bat.
Pourtant on sent une volonté politique d’accompagner ce secteur…
Oui elle existe, mais même si des actions ont été lancées, tout est en chantier. Il faut reconnaître que le ministère de la culture est vraiment là. Et peux d’ailleurs remercier le ministre de la culture d’avoir toujours été personnellement à mes côtés. Je le loue, mais ça reste compliqué car tout avance doucement. Je pense que dans deux ou trois ans la situation sera meilleure qu’aujourd’hui.
Vous êtes combien de producteurs indépendants en Côte d’Ivoire ?
Nous sommes beaucoup, mais la plupart sont dans l’informel. Il y a très peu de structures affirmées comme la nôtre. En outre, beaucoup se sont découragés en cours de route car développer, financer, produire, distribuer, tout est difficile.
Patrice Carré
© crédit photo :Vous avez déjà un compte
Accès 24 heures
Pour lire cet article et accéder à tous les contenus du site durant 24 heures
cliquez ici