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Télévision

Discop Africa Abidjan 2016 : Entretien avec François Deplanck, Canal+ Overseas

Date de publication : 03/06/2016 - 10:30

Le directeur des chaînes et des contenus Canal+ Overseas fait le point sur la présence africaine de son groupe. Présent historiquement en Côte d’Ivoire, Canal+ y a recruté le plus grand nombre d’abonnés par rapport aux pays voisins.

Comment résumer l’offre de Canal+ sur l’Afrique ?
Elle est formidable. Nous avons la chance d’avoir un marché qui est encore un peu moins concurrentiel que ne l’est devenu le français. Donc nos abonnés ont droit à tout ce qu’il y a sur Canal+ en France, et même à beaucoup plus. En matière de sport, ils ont accès à la même offre que Canal+ et BeIN Sport combinés, et même bientôt SFR Sport. Cette offre s’est  diversifiée, puisque en juillet de l’année dernière, j’ai rajouté deux chaînes Canal+ Sport, dont une qui est omnisport. En matière de fiction et divertissement, du fait d’avoir retiré le sport des chaînes Canal+, nous avons aussi ouvert une boîte de Pandore car il fallait combler 60 prime. Et nous sommes allés chercher des programmes qui n’étaient pas encore distribués en Afrique. Cela rejoint le grand axe des actions que je mène depuis quatre ans, qui sont l’africanisation de nos contenus, comme cela a été fait en matière de distribution, moyens de paiement, décodeurs et bien sûr tarifs. À présent, nous avons un tiers de chaînes nationales africaines et un tiers de chaînes faites pour l’Afrique, comme Africa News ou des déclinaisons de Ciné+ avec des droits acquis pour le continent. Nous avons aussi incité au développement de Gulli Africa. Et parallèlement, nous avons une chaîne pour adultes, Penthouse Black, qui fonctionne très bien.

Et vous investissez dans les contenus…
Il y a une production africaine qui est riche et se développe, mais à un niveau qui ne correspond pas encore aux standards internationaux, car les moyens n’ont rien à voir avec ce qui existe en Europe ou aux États-Unis. Quand un producteur rentre dans mon bureau, j’ai pris l’habitude de dire : "Vous retirez deux zéros et ensuite on peut commencer à discuter." Mais c’est une réalité que l’on retrouve dans le prix des abonnements. On peut s’abonner en Afrique à une offre de 12 chaînes pour 14 €. Nous continuons à investir dans le cinéma africain et dans des séries. Nous faisons aussi du divertissement puisque nous avons lancé une émission hebdomadaire, Le parlement du rire. Elle est tournée ici à Abidjan et c’est un énorme succès.

Vous avez créé A+ pour du contenu vraiment spécifique ?
Nous avions envie d’avoir plus de contenus africains, mais il n’était pas possible de les mettre sur Canal+ en juxtaposition avec les autres films et séries. Il nous fallait une fenêtre pour cette production que nous soutenons par ailleurs. Et nous avons donc lancé A+ il y a 18 mois. Au départ, elle s’est reposée sur ce qui existait sur le marché, avant de lancer très vite ses propres divertissements, d’accompagner des projets et d’initier des productions. Actuellement, nous en sommes à une vingtaine de séries en développement pour la chaîne, dont un bon nombre sont prêtes. Et puis, nous faisons des achats de séries plus ambitieuses, feuilletonnantes, produites en Angola ou en Afrique du Sud où nous avons signé un deal avec SABC (le service public sud-africain, Ndlr). Nous avons aussi une série policière sénégalaise, Tundu Wundu, tournée en wolof, mais dont la saison 2 sera en français. Car absolument tout est doublé en français.

Ce sous-financement des contenus est un cercle vicieux dont il semble difficile de sortir. Comment faire pour rajouter au moins un zéro supplémentaire sur les budgets ?
Il faut avoir à l’esprit que le public africain veut de tout, mais il faut aller au-delà. La chaîne A+ est ainsi disponible en France et l’est depuis peu aux Caraïbes où les premières études d’audience lui sont très favorables au milieu de 120 chaînes, ce qui n’était pas évident au départ. Nous avons des producteurs qui nous livrent des 26 minutes de qualité pour quelques milliers d’euros. Cela persiste et le public aime ça. J’ai été assez surpris lors d’une discussion hier avec un chauffeur de taxi qui m’a dit : "Je regardais beaucoup les films de Nollywood mais maintenant j’ai un peu arrêté car c’est trop sophistiqué. Avant c’était plus naturel." 
Il faut donc faire attention à ne pas importer nos modèles et nos schémas européens ou américains, pour supplanter la spontanéité qu’il peut y avoir sur des tournages. Pour autant, il faut avoir des ambitions. Il y a un déficit technique certain. On manque en Afrique de bons directeurs de la photographie et surtout d’ingénieurs du son. C’est le gros point faible. Mais une série comme C’est la vie, produite par Keewu-Lagardère, a un budget 10 fois supérieur à une série comme Conakry qu’on a diffusée sur A+. C’est une évolution énorme avec une organisation de production étonnante. Donc ça crée des modèles. Et, par ailleurs, on ne dit pas non systématiquement à des séries à 50 000 $ ou 100 000 $ l’épisode. Cela pourrait éventuellement aller sur Canal+ Afrique avec des droits plus longs, en prenant des parts via une coproduction et en espérant le vendre dans d’autres pays. On commence d’ailleurs à voir des projets de ce type. Il y a Sakho et Mangane chez Lagardère et nous avons signé une convention de développement avec une productrice établie au Kenya, Marie Lora-Mungai, pour un projet qui s’appelle The Trade sur fond de trafic de drogue entre le Brésil et l’Afrique.

Ce n’est pas simple d’être un opérateur de télé payante en Afrique. Entre les opérateurs araignées et l’arrivée de la TNT…
Notre premier concurrent, c’est le piratage. C’est un mal endémique. Ce n’est d’ailleurs pas un piratage individuel avec des boxes comme en Afrique du Nord. En Afrique subsaharienne, cela passe souvent par des opérateurs qui ne respectent pas grand-chose. Certains, comme en RDC, ont pignon sur rue avec des boutiques et importent même des chaînes qui n’ont aucun droit sur l’Afrique subsaharienne. Nous essayons de sensibiliser les autorités afin qu’elles fassent respecter un minimum de droits et notamment dans l’intérêt des auteurs et des quelques opérateurs qui jouent le jeu. Mais la situation commence à s’améliorer, notamment du fait de l’arrivée du numérique, car cela apporte un vrai confort aux abonnés qui pâtissent aussi de cet état de fait. Mais "ces araignées" représentent un marché encore énorme.

Abidjan est-elle le hub incontournable ?
Oui, et avant même que le Discop ne soit là. Quand nous avons lancé A+, nous avons installé l’équipe ici, au contact du marché et des autres médias. Le choix était vite fait. Dakar produit à présent essentiellement en wolof, Libreville possède un tissu de production mais le pays est vraiment petit, les deux Congos sont instables, on a déjà dû exfiltrer nos directeurs généraux. Donc Abidjan, avec son voisin Ouagadougou qui est une vraie source de techniciens, mais aussi d’auteurs, était l’endroit idéal. En outre, c’est le premier pays en termes d’abonnés à Canal+ et ça continue.

Patrice Carré
© crédit photo : Canal+


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