Annecy 2018 - WIP "Bonjour le monde" : une série grandeur nature

La série, produite par Normaal Animation, repose sur le travail de la sculpteuse Anne-Lise Koehler, qui fabrique des animaux en papier mâché. Une réinterprétation documentée de la vie sauvage qui sera déclinée en 10x9 minutes.

L’ouverture de la séance a été l’occasion pour le modérateur, l’auteur Christophe Erbes, de préciser que le programme qui faisait l’objet de cette session "n’aurait pu se faire sans France Télévisions. Si France 4 disparaît, dans dix ans, il n’y aura quasiment plus d’animation française pour les enfants".

Produit par Normaal Animation, Bonjour le monde repose sur le travail personnel de Anne-Lise Koehler, qui pratique notamment, depuis près d’une vingtaine d’années, la sculpture d’animaux en papier mâché, mais aussi des plantes et insectes de leur environnement. Un travail extrêmement précis et documenté reconstituant scrupuleusement le moindre détail, sans pour autant chercher le réalisme. Une pratique artistique qui se double d’une démarche écologique, la sculpteuse utilisant notamment des colles végétales et réduisant l’usage du silicone. Si elle a commencé par travailler sur du papier journal, elle utilise à présent des feuilles des ouvrages de la Bibliothèque de la Pléiade, plus fines et plus solides. "Ce qui fait que notre pilote a été entièrement réalisé en Proust", précise le producteur Alexis Lavillat. Un pilote qui a reçu le Cristal de la meilleure production TV au festival en 2015.

La série, au format 10x9 minutes, se veut le prolongement naturel de la vision d’artiste d'Anne-Lise Koehler. Elle se penchera sur un moment particulier, celui de la naissance de l’une de ses créatures. "Dix naissances comme autant d’aventures, car le chemin n’est pas le même, selon que l’on naisse lynx ou lombric. Chaque épisode sera une surprise, un joyeux cheminement partant du tout début pour accompagner l’animal dans sa prise de conscience de sa condition et de son environnement", détaille Alexis Lavillat. Des aventures qui se dérouleront dans l’eau, sur terre, sous terre et dans les airs. Un coréalisateur et coauteur a rejoint le projet en la personne d'Éric Serre. Ce dernier a fait ses études avec Anne-Lise Koehler aux Gobelins, travaillant ensuite avec elle sur Kirikou puis Azur et Asmar de Michel Ocelot.

Bonjour le monde est entièrement réalisé en stop-motion. Les animaux sculptés d'origine ont été reproduits à l’identique, avec des squelettes articulables, certains mouvements ayant nécessité des sculptures particulières, phase après phase. Par ailleurs, il a fallu construire l’ensemble des décors, jusqu’à la moindre brindille, quelques effets étant effectués numériquement, de même que l’assemblage de certains éléments. La bande sonore a été enregistrée très en amont. Elle se présente sous la forme d’un dialogue entre la voix intérieure du personnage et la nature. Tous les bruits de cette dernière ont été entièrement réinterprétés par le naturaliste Jean Chevallier.

Toute la réalisation s’est opérée dans le studio Normaal Animation d’Angoulême, où ont été installés huit plateaux de stop-motion, tous dotés d’un éclairage standard. Les deux cinéastes se sont partagés les tâches, Anne-Lise Koehler prenant en main la fabrication des marionnettes et Éric Serre l’animation. Aux livres recyclés des origines se sont ajoutés des matériaux tels que tissu élastique, mousse de canapé et d’isolation, laine cardée et balsa. "Je privilégie les modes de fabrication les moins polluants et laisse le plus de créativité possible à chaque membre de l’équipe, en ne spécialisant pas les tâches", souligne Anne-Lise Koehler. Au total, 110 marionnettes ont été fabriquées, l’équipe se penchant ensuite sur les éléments de décors, notamment toute la végétation, construite feuille après feuille, fleur après fleur.

Des images au stade du layout, sans compositing, ont été projetées, permettant de donner une idée très précise de la mise en scène et de l’environnement poético-réaliste imaginé et voulu par les auteurs. Le budget total est de 1,5 M€ pour 90 minutes d’animation. "C’est assez comparable avec le format d’un long métrage. Or un film comme celui-ci tournerait autour de 8 M€, ce qui illustre la différence qui peut exister à ce niveau entre la télévision et le cinéma, remarque Alexis Lavillat. France Télévisions a soutenu d’avantage ce programme que d’autres plus classiques que nous avions pu faire en 2D. Ce n’est pas un programme évident pour un diffuseur car on y parle des enjeux du vivant. Cela peut heurter des petits enfants. On a donc eu du mal à le préfinancer à l’international, mais on fait le pari que les premiers épisodes seront suffisamment convainquant pour déclencher des ventes." D’autant que la réserve d’histoires est quasi infinie, seules dix espèces animales ayant été traitées. La livraison est prévue à l’automne pour une diffusion sur France 5. Et Bonjour le monde sortira par la suite en salle sous la bannière de Gebeka Films*.

*Propriété de Hildegarde, propriétaire du Film français