Bilan Médiamétrie : confinement, télévision et numérique, un ménage à trois probant
(Modifié) - Les deux mois durant lesquels la population a été contrainte de rester chez elle, en raison du coronavirus, ont entraîné des records d’audience dont Médiamétrie livre un premier bilan, étendu aux pratiques sur le numérique comme la SVàD.
C’est l’un des rares effets positifs de la crise sanitaire : le confinement a renforcé le lien du public avec la télévision, confirme l’analyse menée par Médiamétrie à l’issue de huit semaines inédites dans l’Histoire en général et celle du petit écran en particulier, dont la fréquentation s’érode au fil des saisons, notamment auprès des jeunes générations, happées par l’offre croissante des plateformes.
Entre le 17 mars et le 26 avril (soit deux semaines avant le déconfinement, intervenu le 11 mai), la durée d’écoute individuelle de la télévision (DEI) s’est élevée en moyenne à 4h41 quotidiennes, contre 3h29 un an auparavant (+1h12).
C’est auprès des jeunes que l’augmentation est la plus marquée relève Médiamétrie. En particulier le public des 15-24 ans, à 1h47 quotidienne (+ 65%). Ces téléspectateurs se sont en outre révélés plus nombreux : "plus de 58% des 15-24 ans ont regardé la télévision chaque jour pendant le confinement. Soit une hausse de 18 points en un an". Les catégories socio-professionnelles supérieures (CSP+) ont, elles aussi, beaucoup plus regardé la télévision : leur DEI a augmenté de 56% en un an, souligne l’institut de mesure.
Le constat vaut également pour les chaînes thématiques, qui gagnent 5 millions de téléspectateurs supplémentaires, chaque jour (+35% en un an), pour un total journée de 18,8 millions de personnes.
La crise sanitaire a entraîné un regain d'intérêt pour l’information, en premier lieu les journaux télévisés - tous rallongés - qui ont réalisé des "performances exceptionnelles" durant le confinement, à l’instar des chaînes d’information en continu. Ainsi, l’information a représenté 23% du visionnage total de programmes, contre 15% en temps normal, selon Médiamétrie. Pour rappel, les interventions d’Emmanuel Macron ont battu des records historiques, à plus de 35 millions de téléspectateurs.
BFM TV, CNews, LCI et Franceinfo réalisent ensemble une part d’audience moyenne de 7,6% sur les six semaines de confinement, soit un bond de près de trois points en un an. L’intérêt est encore plus fort chez les 15-24 ans, dont la PDA sur ces chaînes d’info est multipliée par trois.
Leur couverture quotidienne progresse de 63%, à près de 21 millions de téléspectateurs sur la journée. En moyenne, ce sont 8 millions de téléspectateurs supplémentaires qui les ont regardées chaque jour par rapport à la même période l’année dernière.
Même tendance pour les sites et les applications d’information, en témoignent les cinq marques de presse qui font leur entrée dans le top 20 des sites internet en mars, note Médiamétrie, qui observe également un prime à l’information locale ou régionale - sites internet de radio et presse -, dont l'audience numérique a doublé, en mars.
Des grilles de programmations bousculées
Concernant les autres programmes, Médiamétrie rappelle d’abord le contexte et l’impact de la Covid-19 sur la programmation des chaînes, du fait de la suspension des tournages et des montages d’émissions impossibles à réaliser : diminution du nombre d’épisodes de certaines fictions pour en étaler la diffusion le temps du confinement, report d’émissions de flux qui ont lieu en direct, rediffusions de plusieurs d’entre elles faute d’inédits... "D’autres programmes ont été ajournés pour faire place à plus d’information en cette période. Les émissions sont désormais présentées sans public, et certains présentateurs les animent depuis leur domicile", ajoute Médiamétrie.
Durant cette période, les diffuseurs ont aussi choisi d’accorder davantage d’espace au divertissement dans leurs grilles respectives, et plus particulièrement aux programmes d’humour. Les chaînes de télévision, privées de leur capacité de production, se sont adaptées en diffusant des films "culte" et probablement rassurants tels que La grande vadrouille ou Les tontons flingueurs, rappelle en outre le bilan. "Et ceci avec succès : 42 millions de personnes ont regardé ne serait-ce qu’en partie l’un ou plusieurs des 19 films français parmi les 20 films ayant réalisé la meilleure audience sur la période ; huit de ces films affichent Louis de Funès à leur générique et 14 sont antérieurs aux années 80".
Pour mémoire, le record pour un film durant la période de confinement revient à la comédie de Jean-Marie Poiré Les Visiteurs et ses 8 millions d’amateurs (28% de PDA), jeudi 30 avril, en audience consolidée, c’est-à-dire avec le différé (les enregistrements, le replay de TF1 ne proposant pas les longs métrages). En audience veille (au lendemain de la diffusion), il en recensait 7,86 millions.
Au cours de cette période, 346 programmes (hors journaux télévisés) ont dépassé 3 millions de téléspectateurs contre 305 un an auparavant. Et 63 ont dépassé les 5 millions (31 en 2019).
Privé de sortie dans les lieux culturels, le public a pu trouver en la télévision une alternative relève l’institut, citant en exemple "une soirée dédiée à Beethoven sur Arte (384 000 téléspectateurs), le ballet Gisèle sur France 5 (281 000 téléspectateurs), ou l’opéra Rigoletto sur TF1 (70 000 téléspectateurs). Des scores d’audience très significatifs rapportés à la jauge d’une salle de concert ou d’Opéra, commente Médiamétrie.
On peut y ajouter les pièces de la Comédie-Française proposées le dimanche soir sur France 5.
Médiamétrie revient également sur le cas de France 4, qui a bouleversé sa grille avec La Maison Lumni, offre de programmes éducatifs dispensés par des professeurs à destination des jeunes, dans le cadre du dispositif Nation apprenante initié par le ministère de l'Education nationale, en l'absence de cours, du fait du confinement.
Près de 20 millions de Français ont regardé les cours Lumni à la télévision, dont 3,7 millions de 4-14 ans. L’audience moyenne des cours de primaire est de 203 000 téléspectateurs, le record datant du 30 mars avec 493 000 téléspectateurs.
Le succès de cette programmation, proposée par France 4 mais aussi d’autres antennes de France Télévisions (France 5…), et sur le numérique, a rappelé la nécessité impérieuse pour le service public de continuer à disposer d'une offre jeunesse linéaire. Il a d’ailleurs relancé le débat autour de France 4 dont l’extinction du signal était fixée au 9 août (comme pour France Ô), avant le confinement et incité Franck Riester, le minsitre de la Culture, a envisagé que le gouvernement puisse revoir sa copie.
Hausse significative de la SVàD
Outre l’accès aux programmes des chaînes de télévision linéaires, l’utilisation du téléviseur pour pratiquer les jeux vidéo, la VàD ou la SVàD, visionner des DVD, se rendre sur les plateformes vidéo, les applications Smart TV… ont augmenté d’une demi-heure par jour sur la période et représentent 1h07 quotidienne en moyenne sur les six semaines, selon les statistiques de Médiamétrie. Pour autant, le temps consacré à regarder des contenus TV reste "largement majoritaire", soit 81% du temps passé devant le téléviseur.
"La pratique de la SVàD a progressé de façon significative : en moyenne, pendant le confinement, 34% des internautes de 4 ans et plus ont regardé au moins un contenu en SVàD chaque semaine (18,4 millions), contre 23% en moyenne dans les semaines précédentes (12,4 millions)", souligne également Julien Rosanvallon, directeur exécutif télévision et internet de Médiamétrie. Cela représente donc six millions d’internautes en plus qu’avant le confinement.
"En termes de contenus, le public privilégie toujours les séries. Il a toutefois regardé davantage de films pendant le confinement : ils représentent 30% des contenus regardés contre 20% auparavant", détaille ensuite Marine Boulanger, directrice du pôle cinéma et entertainment de Médiamétrie, partageant des données issues de l’étude sur le public de la SVàD.
En progression depuis 2015, la pratique de cet usage s’est donc accélérée pendant le confinement, constat qui vaut pour "tous les profils". Outre les 15-34 ans, "toujours au rendez-vous", depuis le 17 mars, "on observe une nette augmentation du nombre de femmes, des 50 ans et plus et des enfants avec notamment l’arrivée de Disney+ et l’offre jeunesse gratuite d'Amazon Prime Vidéo", décrit Marine Boulanger.
La SVàD pourrait être l’une des gagnantes de la période post confinement qui s’ouvre et pour laquelle la grande interrogation porte sur l’évolution de ces pratiques. Ce lien consolidé avec le public, en particulier avec les jeunes, perdurera-t-il ? "Ce que l’on observe aujourd’hui c’est que le public reconnaît de nombreux avantages à la SVàD tels que son ergonomie, sa facilité de résiliation, le nombre et la qualité de ses contenus, les prix attractifs, le partage de compte, et l’aisance pour se l’approprier. Il lui attribue une note de satisfaction globale de 8,3/10 et envisage de poursuivre son utilisation dans les six prochains mois", répond Marine Boulanger, dans la synthèse publiée par Médiamétrie.
De son côté, l’utilisation du replay progresse elle aussi mais dans une moindre mesure que la télévision en direct. Cette pratique représente plus de huit minutes pendant le confinement, contre plus de six minutes un an auparavant (+31%).
Le cinéma plébiscité en linéaire et en délinéaire
Le temps consacré à internet enregistre également une progression d’après les chiffres de Médiamétrie qui portent toutefois sur une période plus courte. Entre le 17 et le 31 mars, il s’est établi à 2h50 par jour (+36% en un an). Les 15-24 ans ont passé 4h50 par jour sur internet (+49% par rapport à mars 2019), les 50 ans et plus, 2h09 (+41%).
"Le divertissement rassemble aussi largement sur internet", poursuit Médiamétrie. Celui-ci et NetRatings comptabilise 23,2 millions de visiteurs uniques quotidiens sur les sites de vidéo et cinéma en mars (+8% vs mars 2019), et 8,6 millions sur les sites de TV et radio (+24% vs mars 2019).
L’appétence pour les contenus a également entraîné une augmentation du piratage, qui repart à la hausse après une baisse observée depuis un an : 10 millions de visiteurs uniques ont consulté les sites de piratage en mars, en progression de 12% par rapport à février 2020.
Hors contenus audiovisuels (mais dans le champ du divertissement, large, sur internet), les autres domaines ayant vu l’audience de leur site bondir sont : les jeux en ligne (18,4 millions de visiteurs uniques quotidiens, soit + 9% en un an), les magazines people et l’infotainment (+33%), l’humour (+59%), la cuisine (+40%). Phénomène nouveau, alors que le sport à l’extérieur s’est considérablement réduit, l’audience des applications de fitness a été multipliée par deux. Sur le plan culturel, l’audience quotidienne du site du Louvre a été multipliée par quatre.
Le poids des réseaux sociaux et messageries a considérablement augmenté : 2,4 millions de visiteurs uniques supplémentaires s’y sont rendus chaque jour, soit 38,3 millions de personnes sur ces sites et applications. Les internautes y ont consacré plus d’un tiers (34%) de leur temps passé sur internet en mars (+5 points par rapport à mars 2019). Outre l’explosion de WhatsApp qui atteint 13,5 millions de visiteurs uniques (+65% en un an), les usages sur Discord (audience doublée en un an) et Tik Tok (+167% en un an) s’accélèrent. Les services de visioconférence ont émergé, certains ayant des audiences très faibles il y a encore un an : le temps passé sur l’application Zoom a été multiplié par 10 en un mois (7 millions de visiteurs uniques en mars, 500 000 en mars 2019) ; le site Houseparty a quant à lui rassemblé 1 million de visiteurs uniques au mois de mars.
Emmanuelle Miquet
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