Annecy 2020 online - Véronique Encrenaz : "Nous avons favorisé les rencontres, la visibilité et la mise en avant du contenu"
Après une édition encore record, en 2019, avec 4 143 accrédités (+9%), venus de 80 pays, et 1 881 sociétés participantes (+8,4%), le 30e Marché international du film d’animation (Mifa) se déroulera du 16 au 19 juin dans une version connectée. Sa responsable, Véronique Encrenaz, revient sur le contenu "online" ainsi que ses enjeux.
Pour la première fois de son histoire, le Mifa se déroulera en ligne, option choisie en raison de l’épidémie de Covid-19. Comment cette décision, prise début avril, soit deux mois et demi seulement avant le coup d’envoi de l’événement, a-t-elle impactée son contenu ?
Lorsque cette décision a été prise, le contenu sélectionné était déjà important. Dès lors, tout le travail a consisté à se demander "Qu’est-ce qu’on privilégie ?" - parce que, en effet, nous n’avions que deux mois et demi pour préparer cette édition en ligne - et avec quels outils. Les Pitchs Mifa se sont imposés comme étant la priorité. Nous avons étudié comment les mettre en avant au mieux et accompagner les porteurs de projet qui, sur place, bénéficient de rencontres avec les professionnels. Au final, chacun a enregistré une vidéo de son pitch qui sera programmée dans la semaine. A l’issue de la programmation, les personnes intéressées auront 24h pour prendre rendez-vous. Puis les porteurs de projet se verront remettre le déroulé de leurs rendez-vous préprogrammés.
L’autre format que nous voulions également maintenir, ce sont les Pitching Territory Focus, qui s’adressent à des délégations. Leur sélection était prête. Comme pour les Pitchs Mifa, notre ambition était de leur donner de la visibilité et d’accompagner les porteurs de projet. Nous nous sommes ensuite interrogés sur les besoins des délégations. Qu’est-ce qui leur serait le plus utile ? La réponse est le contact avec les acheteurs. Aujourd’hui, la recherche de contenus est telle de la part des plateformes et des chaînes que nous avons gardé les sessions de "Share with" (consacrées aux stratégies d’acquisition et de coproduction des investisseurs, Ndlr). Normalement, ces rencontres ont lieu dans un salon, sous la forme d’une discussion, pendant une demi-heure. Cette année, elles seront proposées sous deux formats.
Lesquels ?
Soit une rencontre de 30 minutes, en direct et en visioconférence à un jour et une heure donnés, durant laquelle l’acheteur présente sa ligne éditoriale et ce qu’il recherche exactement. Les participants pourront lui poser des questions par chat. Ce contenu sera ensuite disponible en replay le reste de la semaine. La seconde version est en "one to one". Il s’agit de rendez-vous de 15 minutes pris en amont, à partir de la plateforme, avec les 12 acheteurs listés dans le programme. Le jour déterminé, ceux-là se connecteront à leur salle virtuelle et pourront échanger avec les producteurs et les porteurs de projet.
Comment ces propositions ont-elles été accueillies par les professionnels ?
Le "Share with" est l’un des formats qui fonctionne bien en ligne. Les rendez-vous sont d’ailleurs déjà complets. Le Mifa recense près de 300 acheteurs accrédités au moment où je vous parle. Autre rendez-vous que les participants retrouveront, en "one to one" également, ce sont les "Meet the", des formats de rencontres vraiment ciblées, puisqu’elles sont destinées aux programmateurs de festivals, aux compositeurs et aux éditeurs de livres.
Nous avons aussi voulu garder les Industry Focus dans lesquels des territoires viennent parler de leur industrie. L’intervention du Japon sera imprégnée de l’actualité puisqu’elle évoquera l’impact du Covid-19 sur l'animation nippone, son expérience du confinement… Celle de la Chine sera plus générale ("Comment travailler avec la Chine"). Nous avons en outre maintenu deux Mifa "Special events", dont l’un avec le European Film Forum, qui chaque année, se penche sur un sujet de l’industrie. Il a choisi de revenir sur la pandémie, et ce que ça implique pour les professionnels européens. Le panel donnera la parole à la République tchèque, l’Allemagne, la France et l’Espagne. Il sera introduit par Lucia Recalde, qui dirige l’unité Média de la Commission européenne.
Pourquoi avoir décidé de proposer les contenus du Mifa Campus gratuitement cette année ?
Ce volet est en partie dédié aux étudiants (catégorie de participants très importante au Festival d’Annecy, Ndlr). D’habitude, leur accréditation leur donne accès à une journée au Mifa. Beaucoup choisissent celle du mardi, le jour du Mifa Campus. Or, cette année, ils n’ont pas accès aux accréditations Mifa. Vis-à-vis des professionnels, cela aurait posé des problèmes d’agenda. Les étudiants sont très demandeurs ! La gratuité est une façon de leur permettre tout de même de suivre certains évènements. Le programme 2020 réunit des panels sur la formation, la présentation d’œuvres ou des prises de paroles d’artistes qui pourraient inspirer les étudiants et les professionnels débutants. Il se déroulera comme d’habitude le mardi. De nombreux contenus seront sous forme de vidéos, à consulter dès le matin. Il y aura aussi des sessions live afin d’échanger avec les intervenants.
Le festival s’est fixé une jauge concernant le nombre d’accrédités (à 20 000). Est-ce aussi le cas pour le Mifa ?
Il y en a une, oui, élevée, puisqu’elle est de l’ordre de 5 000. L’an dernier, le Mifa avait recensé un peu plus de 4 100 accrédités. A la veille du coup d’envoi, nous sommes à près de 3 750 accrédités. Nous verrons si nous pouvons atteindre le niveau habituel. Il y a énormément de demandes. Quoi qu’il en soit, nous sommes déjà très contents des chiffres actuels.
Finalement, vous avez donc pu confirmer l’essentiel de la proposition du Mifa ?
Oui. Le programme comprend aussi, c’est un élément important, les conférences de presse : France Télévisions, M6, le SPFA et le Digital Lab Africa, qui est aussi une remise de prix. Dans l’ensemble, nous avons maintenu en effet tous les formats, excepté le recrutement. Ces sessions demandent beaucoup de temps, un suivi… Et comme cette édition s’est montée avec l’équipe de permanents, sans renforts ni prestataires, il a fallu faire des choix. C’est aussi pour cette raison que nous avons renoncé aux conférences professionnelles. Nous avons favorisé les rencontres, la visibilité et la mise en avant du contenu.
En quoi était-ce si important de s’en tenir aux dates initiales du Mifa, même si certains contenus seront disponibles au-delà du 19 juin, le festival étant, lui, prolongé jusqu’au 30 juin ?
Il y a deux choses. D’une part, il était très important de concentrer les rendez-vous sur une seule semaine, pour profiter de la présence en ligne d’un maximum d’accrédités au même moment. On ne peut demander aux professionnels une présence constante sur deux semaines. Et d’autre part, les sessions en live de questions-réponses imposaient également une programmation à une heure déterminée avec l’audience la plus importante possible. D’où cette concentration sur une semaine autour des rendez-vous, tout en laissant la possibilité de voir l'ensemble du contenu jusqu’au 30 juin. Ce sera même au-delà pour la vidéothèque puisqu’elle restera disponible jusqu’au 30 mars 2021, avec près de 555 œuvres, en plus de la sélection officielle du festival.
Quel est le plus grand défi pour un événement en ligne ?
Mobiliser les accrédités sur toute la semaine et les garder en alerte, d’où une programmation échelonnée. Nous l’avons nous-mêmes vécu dans d’autres manifestations antérieures à la nôtre et que nous avons testées. On note tel ou tel événement qui nous intéresse, et puis, occupé à différentes choses, si on n’a pas cette obligation de connexion, et bien on a tendance à le laisser passer.
Après plusieurs semaines de préparation, pouvez-vous dessiner une carte géographique du "online" ? Certains territoires ont-ils été plus réceptifs que d’autres, par exemple, ou plus réactifs ?
Si on regarde les chiffres des accrédités à ce jour, nous sommes à peu près dans les mêmes proportions finalement, avec toujours une prédominance des anglophones : environ un tiers de Français, suivis très vite des Etats-Unis, de la Grande Bretagne et du Canada. Certaines zones explosent en revanche, comme l’Argentine. C’est vrai que l’Amérique latine a peut-être particulièrement bien réagi. Outre l’Argentine, la Colombie est beaucoup plus présente que d’habitude. En Europe, les tendances sont globalement les mêmes, avec l’Italie en force. Idem en Asie, où la Chine est en tête, suivie, pas loin, du Japon. Dans l’ensemble, tous les pays ont répondu très vite pour participer, en tant que délégation, prendre des stands virtuels...
Combien de stands virtuels ont-ils été réservés à ce stade ?
Environ 1 900. Toutes les réservations sont ouvertes jusqu’au 29 juin. Evidemment, mieux vaut être connecté dès le premier jour, car en termes de rendez-vous, la première semaine sera la plus active. Mais pour les sociétés ou les délégations qui ne le seraient pas, elles pourront être encore visibles la seconde semaine sur la plateforme et utiliser le Annecy Network jusqu’au 30 juin.
La tenue de l’événement en ligne a-t-elle facilité la prise d’accréditation pour certains pays, comme cela s’observe déjà dans les événements de ce type ?
Oui. D’abord parce qu’il n’y a pas les frais générés par un déplacement, et cette année, l’accréditation n’est pas chère, à savoir 92 € HT. Qui plus est, elle ouvre exceptionnellement à tout le contenu, y compris le festival.
L’animation est l’un des secteurs les moins touchés, comparé à d’autres. Néanmoins, ressentez-vous déjà les premiers effets de la crise sanitaire à l’international ?
Pas tellement, à part au Brésil, où la situation est vraiment catastrophique. Les professionnels n’arrivent pas à savoir s’ils pourront obtenir les subventions habituelles de soutien à l’industrie. Quelques studios se sont quand même accrédités au Mifa mais ils y seront beaucoup moins accompagnés.
Dans quel état d’esprit êtes-vous à quelques heures du lancement d’une offre a priori inédite dans son ampleur ? Avant que l’entretien ne démarre, vous vous êtes exclamée "Enfin !"…
Plutôt positif, dans le sens où nous avons le sentiment d’avoir beaucoup appris pendant ces deux mois. Nous avons également énormément échangé avec les professionnels et ça, c’était vraiment formidable. Cet échange n’est pas nouveau, mais il a été démultiplié. Compte tenu des circonstances de la pandémie, nous nous sommes beaucoup plus parlés et beaucoup plus confiés les uns aux autres, sur la façon dont chacun vivait l’événement, personnellement, et professionnellement. D’une certaine manière, nous avons vécu en direct l’avancée du Covid dans chaque pays, le confinement… Ce que je retiens aussi de cette période, c’est que nous nous sommes davantage soutenus. Les professionnels nous ont apporté leur soutien, et nous, on a tout fait pour les accompagner du mieux possible. Portés par ce soutien, la demande de la profession et un grand enthousiasme, nous avons d’ailleurs probablement organisé plus de choses qu’on ne pensait le faire au départ. Cela a aussi été possible grâce à la mobilisation des équipes au sein de Citia (l’établissement public organisateur du festival et du marché, Ndlr), beaucoup sollicitées pour améliorer les outils et créer toujours plus de fonctionnalités, afin de faciliter les échanges. Il s’agit maintenant que tout fonctionne comme on le souhaite ! Car dans ce type d’événement, on est dépendant des connexions à Internet.
Propos recueillis par Emmanuelle Miquet
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