Festival de la Fiction 2023 - Etat des lieux et priorités du SPI
Date de publication : 15/09/2023 - 09:00
Intégration des plateformes dans l'écosystème, avenir du service public, hausse des taux directeurs, intelligence artificielle générative… Nombreux ont été les enjeux abordés par plusieurs producteurs du SPI lors du point presse annuel.
"Sommes-nous à la veille d'un effondrement d'une bulle dans l'audiovisuel ? Il est légitime de se poser la question. Ne faut-il pas prioritairement renforcer les acteurs locaux afin que le marché ne soit pas volatile ? Il est important que nos acteurs publics et privés soient protégés et renforcés", déclare Nora Melhli, présidente du bureau de l'audiovisuel du SPI, lors du point presse rochelais.
Le SPI s'interroge ici sur l'apport à long terme des plateformes. Aujourd'hui, l'intégration de ces nouveaux acteurs via notamment les décrets SMAD a considérablement dynamisé la filière audiovisuelle. "Les chiffres du CNC montrent bien une augmentation en volume et en montants investis pour la fiction audiovisuelle. Nous avons la régulation la plus ambitieuse au monde. Les plateformes contribuent, par ailleurs, à une circulation plus importante de nos œuvres à l'international", constate Sébastien Borivant (Tetra Media Group).
Les récents accords interprofessionnels signés avec Prime Video et Netflix renforcent cette contribution. Toutefois l'apport de ces plateformes est encore modeste. Moins de 10% du marché est porté par les streamers, selon le SPI. "L'arrivée des plateformes n'a pas permis d'irriguer largement la filière", résume Nora Melhli.
Par ailleurs, le syndicat regrette le manque de visibilité sur les investissements consentis par les plateformes en France. Il attend de pied ferme le rapport de l'Arcom portant sur l'obligation des plateformes dans la création française sur l'exercice 2022. Pour rappel, sur l'exercice 2021, dont le rapport avait été publié en avril 2023, l'Autorité avait constaté de légers manquements aux obligations pour la partie cinéma.
Quels revenus issus du catalogue ?
Avec l'arrivée des plateformes, le SPI relève également une potentielle raréfaction des revenus issus du catalogue. Avec une incidence directe sur la production. "La création et le développement de projets sont des investissements, souvent rendus possibles par l'exploitation du catalogue, générateur de recettes. Aujourd'hui, pour les plateformes, la production dépendante est synonyme de production exécutive. Les producteurs ne sont donc pas propriétaires du catalogue et n'auront pas de recettes futures. Du côté de la production indépendante, les droits mondiaux s'étalent sur six ans. Il n'y a aucune visibilité sur d'éventuelles recettes futures", explique Sébastien Borivant.
Simon Arnal (Haut et Court TV) confirme l'importance de cette manne financière dégagée par le catalogue : "Pendant huit ans, nous avons développé une série avec différents diffuseurs successivement. Sans les ressources internes liées au catalogue, nous n'aurions pas pu tenir aussi longtemps. Aujourd'hui, il s'agit d'une des séries les plus ambitieuses que nous produisons avec Apple."
Des coûts en forte hausse
Pour Simon Arnal, l'essor des plateformes a pu engendrer une bulle spéculative sur les talents et les chaînes de poste, avec un impact direct sur le marché en termes de coûts. S'ajoutent également des facteurs exogènes tels que la hausse des taux directeurs bancaires, l'inflation et la crise énergétique qui impactent fortement les sociétés de production. Ces dernières sont aussi confrontées à l'évolution des pratiques de production écoresponsable. "Les coûts titre par titre deviennent très élevés. Il est de plus en plus dur de financer et produire des œuvres", alerte Simon Arnal.
Les difficultés financières rencontrées par le groupe scandinave Viaplay ont été un signal d'alarme pour les producteurs. La plateforme a renoncé au marché l'international, instauré un plan social et a réduit ses investissements dans la fiction au profit du sport et du flux. Cette situation instable et incertaine des nouveaux acteurs amène les producteurs à consolider les accords structurants en termes de création avec ses partenaires. "Nous avons aussi besoin d'un audiovisuel public fort. Il s'agit d'un enjeu de filière et de démocratie", rappelle également Nora Melhli.
Le service public, "un investissement d'avenir"
"Le service public doit être le leader et une référence en termes d'innovation et de diversité. Il doit être considéré comme un investissement d'avenir", revendique Antonin Ehrenberg (Patafilm). Le SPI insiste sur les enjeux pour France Télévisions et Arte : la rencontre avec le jeune public, une programmation différenciante et innovante et la consolidation du budget d'investissement. "France Télévisions doit pouvoir faire des fictions ambitieuses pour rivaliser avec les chaînes privées et les plateformes. Cela implique que le budget ne soit pas stagnant, qu'il ait une trajectoire haussière et pluriannuelle", indique Antonin Ehrenberg.
Concernant la fiction jeunesse, le SPI aimerait que France Télévisions "aille au bout du geste" pour rencontrer ce public. "Une seule série courte de fiction, format plébiscité par le jeune public, a été programmée en 2023. Aucune série au format vertical n'est proposée", constate Théo Laboulandine (Melocoton Films). Le producteur appelle également à poursuivre les efforts de modernisation de la plateforme France.tv (possibilité de visionner sans être connecter, mise en place de la norme HDR).
Avec l'arrivée des plateformes, le SPI relève également une potentielle raréfaction des revenus issus du catalogue. Avec une incidence directe sur la production. "La création et le développement de projets sont des investissements, souvent rendus possibles par l'exploitation du catalogue, générateur de recettes. Aujourd'hui, pour les plateformes, la production dépendante est synonyme de production exécutive. Les producteurs ne sont donc pas propriétaires du catalogue et n'auront pas de recettes futures. Du côté de la production indépendante, les droits mondiaux s'étalent sur six ans. Il n'y a aucune visibilité sur d'éventuelles recettes futures", explique Sébastien Borivant.
Simon Arnal (Haut et Court TV) confirme l'importance de cette manne financière dégagée par le catalogue : "Pendant huit ans, nous avons développé une série avec différents diffuseurs successivement. Sans les ressources internes liées au catalogue, nous n'aurions pas pu tenir aussi longtemps. Aujourd'hui, il s'agit d'une des séries les plus ambitieuses que nous produisons avec Apple."
Des coûts en forte hausse
Pour Simon Arnal, l'essor des plateformes a pu engendrer une bulle spéculative sur les talents et les chaînes de poste, avec un impact direct sur le marché en termes de coûts. S'ajoutent également des facteurs exogènes tels que la hausse des taux directeurs bancaires, l'inflation et la crise énergétique qui impactent fortement les sociétés de production. Ces dernières sont aussi confrontées à l'évolution des pratiques de production écoresponsable. "Les coûts titre par titre deviennent très élevés. Il est de plus en plus dur de financer et produire des œuvres", alerte Simon Arnal.
Les difficultés financières rencontrées par le groupe scandinave Viaplay ont été un signal d'alarme pour les producteurs. La plateforme a renoncé au marché l'international, instauré un plan social et a réduit ses investissements dans la fiction au profit du sport et du flux. Cette situation instable et incertaine des nouveaux acteurs amène les producteurs à consolider les accords structurants en termes de création avec ses partenaires. "Nous avons aussi besoin d'un audiovisuel public fort. Il s'agit d'un enjeu de filière et de démocratie", rappelle également Nora Melhli.
Le service public, "un investissement d'avenir"
"Le service public doit être le leader et une référence en termes d'innovation et de diversité. Il doit être considéré comme un investissement d'avenir", revendique Antonin Ehrenberg (Patafilm). Le SPI insiste sur les enjeux pour France Télévisions et Arte : la rencontre avec le jeune public, une programmation différenciante et innovante et la consolidation du budget d'investissement. "France Télévisions doit pouvoir faire des fictions ambitieuses pour rivaliser avec les chaînes privées et les plateformes. Cela implique que le budget ne soit pas stagnant, qu'il ait une trajectoire haussière et pluriannuelle", indique Antonin Ehrenberg.
Concernant la fiction jeunesse, le SPI aimerait que France Télévisions "aille au bout du geste" pour rencontrer ce public. "Une seule série courte de fiction, format plébiscité par le jeune public, a été programmée en 2023. Aucune série au format vertical n'est proposée", constate Théo Laboulandine (Melocoton Films). Le producteur appelle également à poursuivre les efforts de modernisation de la plateforme France.tv (possibilité de visionner sans être connecter, mise en place de la norme HDR).
"Des discussions compliquées" pour Disney+
Une réflexion autour de l'intelligence artificielle générative
Alors le trilogue européen œuvre actuellement à la mise en place d'un Intelligence Artificial Act, les initiatives en vue de réguler et encadrer l'intelligence artificielle se multiplient en France.
Depuis plusieurs mois, le SPI a initié une réflexion pour identifier les problématiques. Emmanuelle Mauger a notamment évoqué l'enjeu de transparence autour du recours à l'intelligence artificielle pour la fabrication des œuvres. "Cet enjeu en induit un autre : celui de l'identification de cette utilisation de l'intelligence artificielle", indique-t-elle.
Pour le SPI, il est nécessaire de protéger le droit des auteurs, des producteurs et des diffuseurs afin que les œuvres préexistantes ne soient pas pillées. Le syndicat demande à ce que soit imposé l'autorisation des ayant droits et le cas échéant, la monétisation de l'utilisation d'une œuvre. Cette approche requiert une politique de contrôle qui pourrait être attribuée à l'Arcom avec des moyens et compétences renforcés. Dans cette optique, le SPI appelle à une concertation interprofessionnelle urgente pour apporter des premières garanties en matière de transparence.
Le SPI dresse sa liste de priorités
En conclusion, Nora Melhli a listé les propositions du SPI pour renforcer la filière de l'audiovisuel :
- "Garantir au travers du soutien public une capacité d'investissement en développement des indépendants.
- Renforcer les crédits d'impôt nationaux pour éviter les risques de délocalisation au regard des coûts de production de plus en plus élevés en France.
- Engager une discussion urgente avec les banquiers concernant une modération des taux financiers.
- Ouvrir une concertation interprofessionnelle concernant le recours à l'intelligence artificielle.
- Renforcer et pérenniser le financement de l'audiovisuel public.
- Garantir une offre de fiction diversifiée à l'endroit de tous les publics et poursuivre la plateformisation du marché.
- S'assurer de la bonne application des accords et obtenir l'ensemble des données permettant la mise en place d'une relation plus transparente."
Après la signature de l'accord inédit avec Netflix, les organisations professionnelles de l'audiovisuel se focalisent désormais sur les discussions avec Disney+. Des "discussions compliquées", évoque le SPI. Le syndicat discute également avec Disney sur l'encadrement des investissements des chaînes étrangères émettant vers la France.
Le SPI a également été interrogé sur le calendrier des négociations avec d'autres diffuseurs. Les chaînes thématiques de l'Acces semblent privilégier un dialogue avec l'Arcom plutôt qu'avec les syndicats de producteurs.
Pour France Télévisions, premier partenaire de la filière, le SPI attend les arbitrages sur les financements de 2024 et la trajectoire pluriannuelle. "Nous avons besoin d'avoir cette visibilité pour discuter avec France Télévisions de l'évolution de notre relation", indique Emmanuelle Mauger, déléguée générale adjointe du SPI.
Concernant les négociations avec Canal+, Simon Arnal a recours à une allégorie : "il ne s'agit pas d'une minisérie. C'est une série de nombreux épisodes. Nous n'avons pas encore le scénario de la fin".
Une réflexion autour de l'intelligence artificielle générative
Alors le trilogue européen œuvre actuellement à la mise en place d'un Intelligence Artificial Act, les initiatives en vue de réguler et encadrer l'intelligence artificielle se multiplient en France.
Depuis plusieurs mois, le SPI a initié une réflexion pour identifier les problématiques. Emmanuelle Mauger a notamment évoqué l'enjeu de transparence autour du recours à l'intelligence artificielle pour la fabrication des œuvres. "Cet enjeu en induit un autre : celui de l'identification de cette utilisation de l'intelligence artificielle", indique-t-elle.
Pour le SPI, il est nécessaire de protéger le droit des auteurs, des producteurs et des diffuseurs afin que les œuvres préexistantes ne soient pas pillées. Le syndicat demande à ce que soit imposé l'autorisation des ayant droits et le cas échéant, la monétisation de l'utilisation d'une œuvre. Cette approche requiert une politique de contrôle qui pourrait être attribuée à l'Arcom avec des moyens et compétences renforcés. Dans cette optique, le SPI appelle à une concertation interprofessionnelle urgente pour apporter des premières garanties en matière de transparence.
Le SPI dresse sa liste de priorités
En conclusion, Nora Melhli a listé les propositions du SPI pour renforcer la filière de l'audiovisuel :
- "Garantir au travers du soutien public une capacité d'investissement en développement des indépendants.
- Renforcer les crédits d'impôt nationaux pour éviter les risques de délocalisation au regard des coûts de production de plus en plus élevés en France.
- Engager une discussion urgente avec les banquiers concernant une modération des taux financiers.
- Ouvrir une concertation interprofessionnelle concernant le recours à l'intelligence artificielle.
- Renforcer et pérenniser le financement de l'audiovisuel public.
- Garantir une offre de fiction diversifiée à l'endroit de tous les publics et poursuivre la plateformisation du marché.
- S'assurer de la bonne application des accords et obtenir l'ensemble des données permettant la mise en place d'une relation plus transparente."
Florian Krieg
© crédit photo : Florian Krieg
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