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Annecy 2024 – WIP "La rivière à l’envers" : "L’œuvre était très difficile à adapter en termes de formats"

Date de publication : 12/06/2024 - 08:19

Tomek et Hannah, les deux tomes du roman de Jean-Claude Mourlevat La rivière à l’envers,  édité chez Pocket Jeunesse, ont inspiré il y a une dizaine années l’idée de cette série aux producteurs Emmanuèle Petry et Jean-Baptiste Wery, les fondateurs de Dandelooo.

"Bien que nous ayons lu les livres étant adultes, nous sommes tout de suite tombés sous le charme de cette histoire" a introduit d’entrée de jeu Emmanuèle Petry. "Le livre raconte une rencontre entre deux êtres, exceptionnels chacun à leur manière. Quant à son auteur, Jean-Claude Mourlevat, il a écrit le livre dans des trains à la mort de son père. C’est donc aussi une œuvre sur un deuil intime".

Deux romans qui vont donc devenir une série en huit épisodes de 22 minutes dont le pitch se résume ainsi : "Hannah est mue par un désir qui la dépasse, celui de sauver la vie de sa passerine, l’oiseau que lui a offert son père, et qui est malade. Et elle a entendu dire qu’avec une goutte de la rivière Qjar, qui coule à l'envers, elle pourrait sauver son oiseau. Elle déboule alors dans la vie de Tomek qui ne s'attendait pas du tout à ça. Et elle déclenche chez lui l’envie de partir à la recherche d'un souvenir perdu".

Comme l’a rappelé son réalisateur Paul Leluc, le projet circulait déjà chez plusieurs producteurs. Mais l’œuvre était difficile à adapter en termes de formats notamment. "J'en ai entendu parler par au moins trois sources différentes avant de rencontrer Emmanuèle et Jean-Baptiste de chez Dandelooqui avaient trouvé le bon axe".

"Au début nous nous sommes dits que la logique passait par en faire un long métrage" explique Emmanuèle Petry. "Mais en prenant un peu de recul nous ne nous sommes pas sentis suffisamment prêts alors que d'une certaine manière, cela aurait été plus simple. Parce que 8 fois 22 minutes ce n’est pas rien. Heureusement Canal+ nous a suivis très tôt".

Un premier chantier d’adaptation est lancé avec Jean Regnaud et Marie de Banville. "Ils y ont mis tout leur cœur" souligne Emmanuèle Petry. "Mais nous sommes aperçus qu'il fallait arrêter, alors que les arches étaient entièrement écrites ainsi que les huit scripts. En fait comme les livres racontent une histoire d'amour, les deux personnages se rencontrent très rapidement et cheminent. Mais cela ne peut pas tenir la route sur huit épisodes. Il nous a donc fallu prendre une décision très difficile afin de changer d’optique. Guillaume Mautalent a repris le flambeau ce qui n'était pas facile parce que cela signifiait d’arriver après une première grosse étape de travail et devoir repartir à zéro. Il a relevé le challenge et l'histoire d'amour est devenue une histoire d'amitié. Cela représente une belle trahison des livres de de Jean-Claude Mourlevat, mais nous a permis de rebondir en créant un antagonisme".

La direction graphique a été confiée à l’autrice de BD Chloé Cruchaudet et la conception des décors à Thomas Reteuna, qu’Emmanuèle Petry avait rencontré aux Gobelins. Quant à la supervision des décors elle revient à Héléna Loudjani, qui a travaillé sur une forêt traitée très graphiquement "avec de grandes verticales, un maximum de profondeur de champ, et des motifs pour habiller les premiers plans". La série suit en effet des personnages qui vont s’enfoncer dans une nature sauvage. "Ils se retrouvent dans des univers doté de leurs propres règles qui vont perturber leur avancée" appuie Paul Leluc. "On n'est pas juste sur un décor mais sur tout un environnement. Essayer de la raconter constitue aussi un vrai enjeu".

Par ailleurs un travail sur les voix a été effectué au préalable. "Dans l’animation, le son compte pour 50%" explique Paul Deluc. "Les voix notamment, représentent l'incarnation des personnages. Elles vont donner de la caractérisation permettre de les définir. Et les animateurs vont pouvoir s’appuyer dessus pour bâtir. C’est un ingrédient indispensable. Tout réalisateur devrait assister aux enregistrements. C’est absolument central. D’autant qu’on imagine que ce sont des séances statiques. Or un acteur derrière son micro est tout sauf statique. Durant ces séances a lieu une véritable danse corporelle. Même au son rien ne peut se jouer sans le corps". Le casting des voix a donc été confié à Céline Ronté, même si Paul Deluc ne croyait pas au départ à l’utilité de son travail, habitué à faire toutes les voix lui-même sur les maquettes.

"Un casting, c'est très, très vaste. Il faut prendre un parti pris" expose Céline Ronté. "On ne va pas évidemment prêter la même voix à un personnage en chair et en os où à un canard, à une histoire d'adulte ou à un cartoon. On va prendre des directions très différentes. Sur La rivière à l'envers, le projet supposait un jeu plutôt réaliste. Autre paramètre important, nous n’avions pas envie d’entendre les mêmes voix que dans d’autres dessins animés. Mon rôle a consisté à chercher des nouvelles voix. Et avec Paul, nous avons un amour particulier pour les acteurs de théâtre, en raison de leur maîtrise de leur outil vocal qui fait qu’on peut leur demander beaucoup de choses. Nous sommes allées chercher des jeunes acteurs dans des cours de théâtre".

La partition musicale a été confiée à Pablo Pico. Ce dernier a d’abord découvert des animatiques inondées de musique. "Dans beaucoup de séquences les personnages ne s'expriment pas autrement qu'en évoluant dans des décors somptueux. Et c'est la musique, en quelque sorte, qui peut les porter. J’ai donc choisi d'écrire des mélodies, d’opter pour une écriture thématique. J'ai commencé à envoyer un thème puis deux. Et le dialogue s'est installé".

Comme l’a rappelé la productrice Netflix a été intéressé par le projet. "Mais ils le voulaient en quatre épisodes. Ce qui voulait dire qu’on aurait été obligés de supprimer tous les moments de respiration durant lesquels la musique de Pablo peut notamment se déployer. Il aurait fallu des épisodes qui collent les uns aux autres pour qu’on ne les lâche pas. Ce n’était pas notre choix".

Pour couvrir le budget de 6,2 M€, Dandelooo est allé chercher deux coproducteurs en Belgique (Vivi Films) et au Portugal (Sparkle). Pour autant comme le précise Emmanuèle Petry "Le défi financier reste entier puisqu'on nous avons quand même encore un trou financier important. Notre idée est donc de combler ce déficit par des ventes internationales, sachant que c’est un projet qui rentre difficilement dans les cases traditionnelles de nombreux diffuseurs".

Patrice Carré
© crédit photo : Dandeloo


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