Télévision

Festival de la Fiction 2024 - Cinq recommandations pour améliorer les soutiens régionaux aux auteurs

Date de publication : 12/09/2024 - 07:45

Vincent Leclercq a présenté les conclusions de sa mission confiée par la SACD visant à proposer un état des lieux des politiques régionales de soutien mises en place pour accompagner les auteurs et l’écriture de scénario. 

Il y a quelque temps, la SACD avait confié à Vincent Leclercq, ancien directeur de l’audiovisuel du CNC, une mission pour dresser un panorama des politiques régionales de soutien mises en place pour accompagner les auteurs et l’écriture de scénario. 11 régions métropolitaines ont pris part à cette étude.

Vincent Leclercq a relevé 15 enseignements de son étude. Tout d’abord, il note « un rééquilibrage des genres ». Alors qu’ils étaient majoritairement tournés vers le documentaire, les auteurs en région se dirigent de plus en plus vers l’animation et la fiction audiovisuelle. Lors de sa mission, Vincent Leclercq s’est par ailleurs heurté à un constat : le nombre d’auteurs en région est très complexe à recenser. « Aussi, il est compliqué de mobiliser les élus pour renforcer le soutien régional à une communauté dont le nombre d’auteurs est difficile à définir ». Dans son étude, il distingue trois familles d’auteurs « plus ou moins soutenus en fonction des régions » : les auteurs régionaux émergents et confirmés et les acteurs extra-régionaux que les collectivités cherchent à capter le temps d’une résidence ou sur un temps plus long. Ces différentes typologies peuvent conduire à un dispersion des financements et une moindre efficience. Autre constat important : la moitié des régions n’ont pas de stratégie pensée de soutien aux auteurs.

Concernant les aides financières à l’écriture, elles s’élèvent à 1,8 M€ pour les régions françaises. L’Ile-de-France constitue une part considérable de ce montant (550 000 €). Quatre des six premières régions de production tiennent leurs rangs en termes de soutien à l’écriture. La Bretagne, le Centre-Val-de-Loire, le Grand-Est et la Normandie font preuve d’une politique constante depuis plusieurs années. En revanche, l’Occitanie et la Région Sud sont peu investies sur les soutiens à l’écriture. Les montants moyens octroyés par les régions sont extrêmement variables pouvant aller de 1 000 € à 10 000 €. Vincent Leclercq constate par ailleurs une évaluation quasi inexistante des dispositifs de soutien. Il observe également une difficulté à convaincre les élus d’intensifier leur soutien à l’écriture comme l’illustrent les nouvelles conventions signées avec le CNC. « Plusieurs raisons expliquent ce statu-quo. Une aide à l’écriture ne se transforme pas automatiquement en tournage », note Vincent Leclercq. Pour lui, le CNC dispose d’un rôle de prescription important auprès des collectivités à travers notamment les règles de l’abondement.

Vincent Leclercq a par ailleurs remarqué une forte part des longs métrages de fiction dans les aides régionales à l’écriture (deux tiers). Les aides d’écriture pour les séries, pourtant en plein essor, restent très modérés. « On a l’impression que les régions n’ont pas pris ce virage », analyse-t-il.

Concernant les résidences d’écriture, Vincent Leclercq met en exergue l’offre étoffée (quatre à cinq résidences) de quatre régions : Grand Est, Auvergne-Rhône-Alpes, la région Sud et la Nouvelle-Aquitaine. « Dans de nombreux cas de résidences, les auteurs sont souvent les seuls à ne pas être rémunérés durant ce temps d'écriture », fait remarquer Vincent Leclercq. Ces résidences sont par ailleurs peu évaluées. Hormis l’Ile-de-France, le soutien à la formation est très peu notable. Les régions semblent davantage miser sur le compagnonnage.

Pour Vincent Leclercq, cinq régions proposent « un ensemble cohérent de soutien » pour les auteurs avec une personne dédiée au sein de la région, une attention aux auteurs régionaux émergents comme confirmés, des aides directes aux auteurs suivies d’aides au développement et des appuis ponctuels (résidences, formations, déplacements, festivals).

Un prérequis et quatre recommandations

Vincent Leclercq formule un prérequis pour déboucher sur une politique régionale efficace en faveur des auteurs : « mieux connaître les auteurs et les scénaristes en région ; avoir une photographie par région, par genre et par intensité d’activité ». Cette approche est nécessaire pour notamment, convaincre les élus d’investir davantage. Ce travail est mené actuellement par la SACD.  « Cette étude sera complétée prochainement avec les données internes que nous avons sur nos membres. Au regard de ces constats, nous souhaiterions que le CNC amplifie son engagement en faveur de l’écriture en lien avec les collectivités territoriale », précise Patrick Raude, secrétaire général de la SACD.

Quatre recommandations se dégagent de cette mission. La première consiste à « assumer la spécificité de la phase d’écriture », aujourd’hui phase la moins bien financée de la vie d'une œuvre. « Souvent l’auteur est le seul financeur. Dans le documentaire, l’auteur est souvent le réalisateur. Il peut donc bénéficier du statut d'intermittent du spectacle. Ce n’est pas le cas pour la fiction et l’animation. Un scénariste est auto-entrepreneur, il n’a pas cette facilité », met en avant Vincent Leclercq. Plusieurs collectivités ont souligné que la phase d’écriture correspondait « au recherche et développement des industries créatives ». « Il faut accepter une part de risque dans la phase d’écriture. Si on a 25% des projets soutenus en écriture ou un tiers des projets soutenus en développement qui entrent en production, ce sont d’excellents chiffres », atteste Vincent Leclercq.

Pour la deuxième recommandation, le rapport propose d’adapter en conséquence les soutiens régionaux. Quatre enjeux ressortent de cette recommandation. Tout d’abord, la place de l’auteur et du producteur dans les aides à l’écriture et au développement. Ces aides à l’écriture sont réservées aux auteurs dans cinq régions et aux producteurs dans deux régions. Vincent Leclercq recommande de laisser le choix ouvert en fonction du projet. Les aides au développement sont elles réservées aux producteurs, une décision « logique » au regard de leur statut de garant du projet. Concernant la garantie pour l’auteur de bénéficier d’un pourcentage de l’aide reçue par le producteur, cinq régions imposent un fléchage en ce sens. « Cette piste simple et efficace mérite d’être creusée pour garantir une certaine rémunération de l’auteur », suggère Vincent Leclercq. Deuxième enjeu identifié : le niveau d’avancement d’un projet. La prime au travail déjà fait ou le financement d’un travail à faire sont des pistes d’amélioration en région. Le rapport prône également l’allégement des dossiers de demande d’aide tout en distinguant les dispositifs réservés aux auteurs émergents des auteurs confirmés. Troisième sujet : la place des auteurs régionaux dans les résidences d’écriture. Vincent Leclercq estime nécessaire de réserver des places à ces acteurs. Il préconise également la rémunération de ces auteurs dans les résidences. « Il faut revoir les postes de dépenses dans ces résidences qui disposent d’un budget global important pour en réallouer une partie aux auteurs. il est logique qu'il ait une forme de rémunération pour ce temps de travail », propose-t-il. Enfin, Vincent Leclercq insiste sur la présence des auteurs régionaux dans les comités de lecture des fonds, là aussi avec une rémunération associée à ce travail.

Troisième recommandation : l’élargissement de l’abondement du CNC à la phase d’écriture. Actuellement, le Centre a recours à un abondement « à la carte » pour cette phase. Le rapport recommande d’élargir l’abondement 1€ pour 2€ aux soutiens à l’écriture pour les régions en « l’accompagnant d’une évaluation sérieuse des dispositifs. »  Vincent Leclercq propose au CNC de mettre en place une réflexion avec les régions sur la définition d’indicateurs communs d’évaluation. Parmi les indicateurs potentiels : le nombre de projets soutenus en écriture aidés en développement puis mis en production, la part des auteurs émergents et confirmés dans les dispositifs d’aide, le nombre de projets soutenus en résidence d’écriture aidés en développement, puis en production ou encore la part des auteurs régionaux dans les résidences.

La dernière recommandation consiste à accentuer le soutien à l’écriture des séries de fiction, parent pauvre des politiques régionales. « Beaucoup d’auteurs de série vivant en région ont le sentiment d’un plafond de verre dans un écosystème majoritairement francilien », souligne Vincent Leclercq.

Concernant les suites de cette mission, la SACD va se mobiliser pour partager ses conclusions avec les collectivités locales. "Je suis persuadé par exemple que la préconisation d'équilibrer davantage les aides entre cinéma et séries peut être entendue par les élus", conclut Patrick Raude.

Florian Krieg
© crédit photo : Florian Krieg


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