Congrès FNCF 2015 - Art et essai, après-VPF, petite exploitation, 4€ au menu du débat avec les pouvoirs publics
Le traditionnel rendez-vous organisé par la Fédération avec les pouvoirs publics a permis de balayer les nombreux dossiers qui seront au cœur des relations entre les exploitants et le CNC dans les prochains mois.
Anniversaire
Ce débat entre la Fédération et les pouvoirs publics était placé sous le signe des anniversaires. Les 70 ans du Congrès et de la création de la Fédération, simultanément aux 120 ans de la naissance du cinéma, avant l’an prochain les 70 ans du CNC : la FNCF et lui étant "nés dans le même élan" de la reconstruction de l’après-guerre, comme l’a rappelé la présidente du CNC Frédérique Bredin lors de son intervention.
Pour Richard Patry, le président de la FNCF, il s’agit de 70 ans de dialogue avec les pouvoirs publics, "avec la volonté de la défense du cinéma mais aussi du modèle français du cinéma et d’un échange permanent avec les autres membres filière et comme principe qu’unité fait sa force… Nous avons l’ardente obligation de travailler avec le parlement, le CNC, les collectivités et les représentants de l’ensemble de la filière pour que le cinéma reste en France un trésor national."
Pour cet anniversaire, il a rappelé que la FNCF a soutenu l’initiative du livre Figures de cinémas pour mieux connaître le passé du métier d’exploitants et a fait don de ses archives à la Cinémathèque française, qui a lancé un appel plus large aux exploitants. Il est ensuite passé aux nombreux sujets d’actualité.
L’objectif des 200 millions d’entrées maintenu
Après les 209 millions de 2014 (soit 25% des entrées du continent européen), avec 600 films sortis, et une PDM de 44% "sans quota ni contraintes", "230 M€ de recettes remontées aux ayants droit", même si l’année 2015 s’avère "plus difficile", l’objectif d’atteindre à nouveau les 200 millions d’entrées paraît toujours réaliste pour la Fédération. "Mais il nous faudra durablement rester au-delà des 200 millions tant les coûts liés aux numériques sont plus élevés qu’auparavant ", a ajouté Richard Patry, qui a souligné les fragilités du secteur, notamment celles de la petite exploitation : "Il faut que nos amis distributeurs reconnaissent la spécificité de ces salles : oui, la petite exploitation va mal, il est urgent d’agir", alors que plus tard un représentant de la petite exploitation a lu une déclaration (à lire en détail ici).
À propos du nouveau cycle de discussions des Assises du cinéma portant sur l’exploitation et la distribution, Richard Patry a évoqué la nécessité de stabiliser le cadre juridique, notamment relatif aux ventes liées et aux billets dématérialisés, deux sujets qui doivent être traités dans la loi Création actuellement examinée au Parlement.
Toujours à propos de cette loi, la Fédération a fait savoir qu’elle s’élevait contre une disposition relative aux projections amateurs, qui veut supprimer les autorisations pour les projections en plein air.
Parmi les dossiers prioritaires sur lesquels Richard Patry s’est beaucoup engagé, figure aussi celui de la transmission des salles aux jeunes exploitants, relayé par le CNC via le fonds spécial géré par l’Ifcic.
Un autre sujet majeur pour la Fédération dans les mois à venir sera l’art et essai. Si son encadrement a atteint "un tel niveau de complexité qu’il engendre beaucoup d’incompréhension", le président de la FNCF a répondu vertement à Nathanaël Karmitz, après ces déclarations dans la presse, lui répliquant qu’il n’avait pas attendu "ses articles" pour savoir qu’il était nécessaire de toiletter ce dispositif art et essai et qu’il s’agissait plutôt de faire des propositions constructives.
Autre priorité de la FNCF, démarrer rapidement les discussions sur l’après-VPF et pour préparer les modifications de la loi de 2010. "Soyons clair, quoi que certains en disent, il y aura bien un après-VPF", a lancé Richard Patry.
Le patron des exploitants s’est également directement adressé aux distributeurs, estimant que les relations entre eux et les exploitants avaient "à nouveau" tendance à se tendre, citant les exemples du plein programme et du full 3D : "Le distributeur doit rester maître de son plan de sortie mais doit aussi intégrer la spécificité des salles et notamment des plus petites. Nous sommes ouverts aux discussions avec ensemble des organisations de distributeurs. Discutons dans le cadre de la réglementation et trouvons des solutions pratiques. Nos objectifs sont les mêmes, nous ne pouvons que gagner ou perdre ensemble".
Comme Frédérique Bredin ensuite, Richard Patry, qui s’était fortement engagé sur ce dossier, a vivement défendu l'opération du tarif à 4 € pour les moins de 14 ans et rappelé sa justification, à savoir la contrepartie d’un taux de TVA réduit à 5%. Alors qu’un certain nombre de salles ont fait évoluer ce tarif lors de la deuxième année, il a appelé ses confrères à "ne pas prendre le risque d’un retour du taux de TVA à 10%", d’autant que cette offre est "fortement incitative" pour les familles.
Concernant la chronologie des médias, il a réitéré la position de la FNCF : la salle demande une exclusivité de sa fenêtre actuelle à quatre mois, sachant qu’elle a déjà reculé d’un tiers ce délai en 2009. Sur ce sujet, Richard Patry s’est élevé contre les dépenses faites par le programme européen Media pour soutenir les expérimentations de sorties simultanées (salle/VàD) qui ont montré "qu'elles ne marchaient pas", et contre le bonus dans les recommandations d’Europa Cinémas pour également des expérimentations de sorties simultanées.
Il a également évoqué la nécessité de la lutte contre le fléau national et mondial, le piratage : "L’ennemi de la diversité c’est la piraterie et pas la salle de cinéma."
Enfin, à propos la réforme territoriale et l’évolution des compétences des régions, objet de la table ronde de la matinée, la FNCF y voit une occasion de "renforcer les relations entre la salle et les collectivités, en période de restrictions budgétaires".
Le crédit d'impôt pour soutenir le dynamisme du cinéma français, moteur pour la salle
La présidente du CNC a démarré son intervention sur l’annonce majeure de la journée pour le secteur, présentée le jour même dans le projet de loi de finances 2016 : le renforcement significatif du crédit d’impôt cinéma. Après les mesures relatives aux films de moins de 4 M€ fin 2013, puis ceux de 4 à 7 M€ fin 2014, "il fallait aller plus loin pour contrer compétition fiscale de plus en plus forte entre tous les pays notamment européens, pour lutter vraiment contre la délocalisation". "C’est un geste très fort du gouvernement, économique et culturel", a-t-elle insisté. "Dans le contexte budgétaire actuel, c’est 18 M€ d’économies demandées au budget de l’État, un geste symbolique considérable. L’ensemble de la mesure représente un apport de 50 M€ pour le cinéma, et même, si l’on ajoute les mesure de 2013 et 2014, de 75 M€."
Cet engagement de l’État, il est dû "à la force et la réussite de notre secteur", a-t-elle poursuivi, rappelant ensuite le poids économique de la filière cinéma et audiovisuel (16 Md€ de valeur ajoutée autant que l’industrie automobile, 340 000 emplois) et soulignant que cette mesure serait bénéfique à l’ensemble des acteurs de la filière. Le crédit d’impôt va soutenir "le dynamisme du cinéma français, moteur pour la salle de cinéma".
Création d'un prix de l'innovation dédié aux salles de cinéma
À propos de la réforme territoriale, Frédérique Bredin a souligné que le cinéma avait plus que jamais un rôle social à jouer. "C’est dans les petites villes que la hausse de fréquentation a été la plus forte, grâce au sens de l’innovation, de l’adaptation, la capacité à anticiper des exploitants". Pour distinguer cet esprit, elle a annoncé la création par le CNC d’un prix de l’innovation dédié aux salles, qui sera remis au Congrès des exploitants, et qui a vocation à récompenser les plus innovantes, tant en matière d’architecture, d’interactivité ou d’accueil du public.
Frédérique Bredin a ensuite listé les nombreux chantiers liés directement à l'exploitation à venir.
La réforme territoriale d’abord, sachant que le Centre va maintenir la mesure 1 € pour 2 € et sera attentif à ce que les régions "maintiennent une politique globale forte"».
L’aide à la transmission de salle ensuite. Lancé en décembre, le fonds Ifcic spécial, doté par le CNC, pour accorder des prêts participatifs en vue de l’acquisition de salle de la petite et moyenne exploitation (jusqu’à 40% montants de l’acquisition) est ouvert sans limite d’âge, "afin que toute sa vie, chacun ait droit à une deuxième chance", a-t-elle précisé. Une dizaine de reprises de salles pourraient être soutenues dès cette année.
L’aide à l’accessibilité a également démarré via un dispositif pour les salles depuis le printemps, doté de 2 M€.
À l’instar de Richard Patry, Frédérique Bredin a ardemment défendu l’opération 4 € pour les moins de 14 ans, en en rappelant les circonstances de sa mise en place et sa logique (un effort de 20 M€ que la mesure d’un taux de TVA réduit pour les salles représente pour l’État) et en défendant un bilan très positif de la mesure (dont 16 millions d’entrées réalisées par les moins de 14 ans en 2014). Elle a précisé que l’opération ne s’était pas faite au détriment de la "recette moyenne hors taxe, qui a progressé en 2014". En plus, elle a aussi souligné que cette "opération a considérablement renforcé l’image du cinéma auprès du grand public, de la Cour des comptes, aux parlementaires", image qui était auparavant, il faut le rappeler, assez dégradée.
Lancement d'une mission sur l'art et essai, confiée à Patrick Raude
L’art et essai est l’un des autres chantiers des prochains mois. "Près de la 50% des salles en France sont classées art et essai, un nombre qui a triplé en 20 ans. L’art et essai est l’un des biens les plus précieux du cinéma en France. Vous êtes nombreux à regretter la complexité des critères de classement art et essai. Il est important de régler cette difficulté", a répondu Frédérique Bredin, tout en prévenant qu'il était nécessaire de jouer le jeu de la transparence, conformément aux mesures déjà issues des Assises du cinéma, et que "ceux qui ne le joueront pas ne pourront pas recevoir les aides". À bon entendeur... Elle a annoncé qu’elle avait confié à Patrick Raude, président de la commission du soution sélectif à l'exploitation cinématographique, la mission de mener un travail de simplification et de modernisation des critères d’aide art et essai.
Pour répondre à une partie des problématiques spécifiques de la petite exploitation, le CNC mise sur une régulation accrue : via l’aménagement cinématographique, le fonctionnement des CNAC (avec la mise en œuvre de mesures Serge Lagauche pas encore en application), ou encore le dispositif des cartes illimitées (clarifier le système de garantie aux indépendants).
Vers des engagements renforcés de programmation
Quant à la question de l’accès des films aux salles, il passera pour le Centre par la mise en place "d’engagements renforcésde programmation, car l’action seule de l’ADRC ne peut résoudre toutes les difficultés", a indiqué Frédérique Bredin. Le CNC a profité du Congrès pour annoncer la nomination par Fleur Pellerin du nouveau médiateur du cinéma, en l’occurrence une médiatrice en la personne de Laurence Franceschini "reconnue pour son sens aigu de l’intérêt général et sa qualité d’écoute". Un médiateur du cinéma qui devrait voir ses pouvoirs accrus dans le cadre du renforcement des engagements de programmation.
Sur l’après-VPF, le comité de concertation numérique travaille pour avoir une photo précise amortissement des projecteurs numériques a-t-elle informé, "un préalable indispensable à concertation pour l’après-VPF".
La présidente du CNC a conclu son intervention sur la lutte contre le piratage, rappelant l’engagement du Premier ministre Manuel Valls et les premières mesures mises en œuvre, sur l’asséchement des ressources des sites illégaux (dites "Follow the Money", sur la publicité en ligne et le paiement en ligne).
Plus tard, Nicolas Seydoux, président de l’Alpa, s’il a salué ces mesures, a estimé toutefois qu’il n’était pas suffisant de continuer la lutte contre le piratage "à droit constant", c’est-à-dire avec ces seules mesures.
Fleur Pellerin a clôturé ce rendez-vous par une intervention vidéo, étant retenue à Paris pour défendre le projet de loi Création à l’Assemblée nationale.
Sarah Drouhaud
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