Congrès FNCF 2019 - Line Davoine : "Il est inconcevable que la grande exploitation soit exclue des réflexions de l’après-VPF"
La présidente de la commission de branche de la grande exploitation de la FNCF fait le point sur les sujets clés du secteur, de la fragilité de la fréquentation en salles à l’après-VPF, non sans aborder la parité femmes-hommes dans la filière.
Lors du précédent Congrès de la FNCF, Laurence Meunier, rapporteure de la branche, s’était dit "très inquiète et pessimiste quant aux résultats des huit premiers mois" de 2018, estimant que "encore une fois, c’est la grande exploitation qui est la plus impactée par cette baisse". Si cette dernière s’est confirmée en fin d’année (-4%), la fréquentation nationale est repartie à la hausse en 2019 avec une progression de 5,1% relevée au terme des huit premiers mois. Ce chiffre reflète-t-il les résultats de la grande exploitation ? La "fragilité" de la fréquentation reste-t-elle un sujet de préoccupation majeur pour la branche ?
La fréquentation est toujours un sujet de préoccupation pour tous les exploitants, et plus particulièrement pour ceux de la grande exploitation qui ne peuvent compter que sur les entrées des spectateurs pour payer personnel, taxes, fournisseurs, loyers et rembourser des emprunts de plus en plus importants en raison de la digitalisation et de l’évolution des technologies de l’image et du son, sans oublier le renouvellement des appareils de projections numériques. Ceci dit, il semble que l’année 2019 s’annonce bonne après deux années de baisse consécutive et un exercice 2018 éprouvant entre l’effet Coupe du Monde et les conséquences des Gilets jaunes. Avec des films très attendus, tant français (Hors normes) qu’américains (Star Wars : l’ascension de Skywalker), la fin d’année laisse présager une fréquentation à 210 millions d’entrées. Le baromètre de la FNCF montre toutefois que la fréquentation de la grande exploitation est à la traîne par rapport à celle des autres branches. Sur les huit premiers mois de 2019, elle était ainsi en hausse de 3% par rapport à 2018, quand la moyenne se situait à +5% et la petite à +6%. Il est en outre intéressant de noter que la fréquentation de Paris intra-muros n’est en progression que de 2%, quand celle de la périphérie est en augmentation de 14%.
L’an dernier, Laurence Meunier avait également pris la parole sur l’après-VPF, regrettant notamment l’absence de la grande exploitation au sein de l’Observatoire numérique de la petite et la moyenne exploitation monté pour réfléchir à cette problématique. Un an après, et alors qu’un modèle économique visant à prendre le relais des VPF a été soumis au CNC au printemps, comment voyez-vous ce dossier évoluer pour la branche ?
Il est inconcevable que la grande exploitation soit exclue des réflexions de l’après-VPF, qui concerne toutes les branches. C’est celle qui contribue le plus à la solidarité commune, et qui perçoit le moins en retour. Le taux de retour du SFEIC (le compte de soutien automatique, Ndlr) est largement inférieur à 50% dans ses établissements. La grande exploitation a toujours été solidaire des autres branches, et le reste. Elle conçoit que les salles les plus fragiles soient soutenues plus fortement, mais rappelle que la mutualisation ne peut fonctionner que si l’ensemble des établissements sont concernés.
Laurence Meunier avait aussi pointé du doigt l’offre de films en salle : "Plutôt que de contraindre les salles à diffuser un nombre de films toujours plus important, le CNC devrait réguler la production française. L’accroissement constant du nombre de films français est l'une des causes des engagements (de programmation, Ndlr), qu’ils ne peuvent que partiellement résoudre. Nous déplorons d’autant plus cette augmentation que leur qualité n’évolue pas en proportion." Quel regard portez-vous sur cet épineux sujet, qui fera cette année l’objet de la table ronde du Congrès ?
Penser que des engagements pourront régler le problème de l’offre de films en salle relève de la pensée magique. Le réel doit retrouver un peu de place, et les exploitants plus de souplesse. Nous travaillons pour les spectateurs et pour les films, mais on ne peut pas demander à l’exploitation, dernier maillon de la chaîne, de réguler le marché.
Les rapports entre le CNC et l’exploitation sont de plus en plus tendus depuis quelques années. À ce titre, comment accueillez-vous la nomination – contestée par une partie de la profession – de Dominique Boutonnat à la présidence du Centre ?
Nous souhaitons bien entendu la bienvenue à Dominique Boutonnat, et entendons lui laisser le temps de prendre la mesure de ses nouvelles missions. Nous souhaitons également qu’il accorde à la salle de cinéma la place qui lui revient.
Vous êtes l’une des rares femmes à la tête d’un réseau de salles (Ciné Alpes) en France. À ce titre, quel regard portez-vous sur la parité femmes-hommes au sein de l’exploitation française ?
Le problème qui se pose, et pas seulement au sein de l’exploitation, n’est pas celui de la parité, mais celui de l’accès aux fonctions. Personne ne devrait être empêché d’accéder aux fonctions et aux rôles auxquels son travail, ses compétences et son talent le destinent en fonction de son sexe ou pour toute autre raison. Il me semble que l’exploitation n’est pas le pire des secteurs, même si nous pouvons – et devons – toujours être attentifs et faire des progrès en la matière. Richard Patry, président de la FNCF, est sensible à la parité et vigilant à son respect dans les différentes commissions de la fédération. La commission des questions sociales de la FNCF travaille d’ailleurs avec les partenaires sociaux sur la parité au sein de l’exploitation.
La petite et la moyenne exploitation s’inquiètent de plus en plus régulièrement de la concentration en cours au sein de la grande, encore visible cette année via l’acquisition par UGC de neuf des 12 cinémas de C2L. Le comprenez-vous ?
L’exploitation est un secteur qui arrive à maturité et la concentration est un phénomène économique naturel qui concerne tous ceux qui connaissent cette situation. D’ailleurs, cette concentration au sein de la grande exploitation est-elle plus problématique que celle au sein de la production, de la distribution, des fournisseurs ou encore la montée en puissance des plateformes ? D’autre part, les branches de la petite et de la moyenne connaissent des phénomènes de regroupement qui ne répondent pas à la définition économique de concentration mais qui contribuent également à la constitution de groupes qui les structurent. L’exploitation est avant tout un métier local. Ce qui compte pour un exploitant, ce n’est pas les mouvements de capitaux dans tel ou tel circuit, mais la façon dont il accueille le public, dont il prend en compte ses besoins et ses désirs, son confort et son envie de films. Au-delà, il est évident que les investissements toujours plus importants et nécessaires pour améliorer et maintenir la qualité des salles de cinéma amènent nécessairement à des rapprochements d’entreprises, comme dans tous les secteurs.
Propos recueillis par Kevin Bertrand
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