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Cinéma

Tournage cinéma/fiction : une reprise incertaine, l’inquiétude grandit pour la saison estivale

Date de publication : 05/05/2020 - 20:39

Si les conditions d’une reprise des tournages au début du déconfinement se dessinent, la question non résolue des assurances constitue un obstacle majeur pour les longs métrages et les fiction TV. Parallèlement, l’élaboration d’une charte sur les mesures sanitaires dans la production devrait aboutir très prochainement. 

Alors que la première étape du déconfinement le 11 mai se profile comme extrêmement limitée en général à Paris, la ville via sa Mission cinéma a toutefois ouvert la possibilité d’une reprise des tournages en transmettant aux organisations de producteurs les conditions dans lesquelles ils pourraient se dérouler. Si ce cadre contraint constitue un signal positif, les principaux sujets pour une reprise des tournages ne sont pas encore réglés.

Le premier concerne les mesures sanitaires. Les organisations de producteurs, réunis au sein du CHSCT de la production cinématographique s’est associé avec le CHSCT de la production audiovisuelle, qui ont embarqué la production de flux, de publicité et les industries techniques, ont transmis ce weekend aux organisations de salariés (les CHSCT étant des structures paritaires) une charte sur les mesures sanitaires quasi finalisée, qui devra ensuite être validée par le Ministère du travail. Si les tournages de programmes de flux vont pouvoir reprendre, et si les chaînes ont annoncé la relance prochaine des tournages de leur feuilletons quotidiens (qui se déroulent en Province et dans des lieux clos, avec des équipes légères), la situation des autres productions restent toujours dans le flou. "Les plus pressés étant les producteurs publicitaires, qui ont une forte pression des annonceurs" selon un des participants. Mais sont aussi pressés les producteurs de films et de fiction qui ont vu leurs tournages stoppés pendant le confinement et qui veulent les terminer, et ceux qui s’apprêtaient à démarrer.

"Nous sommes dans une configuration pour aboutir à des résultats qui puissent permettre des solutions sécurisantes pour les salariés et qui puissent sécuriser également les producteurs dans leurs risques juridiques, nous indique Valérie Lépine-Karnik, déléguée générale de l’Union des producteurs de cinéma (UPC). Nous avons établi un socle général en lien avec la médecine du travail car ce travail ne peut pas s’improviser, nous nous donnons les moyens d’y arriver. Le CNC appuie notre démarche et la communique au Ministère de la Culture."
S'il avance, il n’est néanmoins pas certain que le sujet soit réglé d’ici au 11 mai. Côté employeurs, on espère aboutir à une charte sanitaire vers le 7 mai. Mais si ça prenait trop de temps du côté des organisations de salariés, les employeurs pourraient aboutir à des recommandations patronales, à l'instar de ce qu'a publié la Ficam. Car il y a urgence pour la reprise, qui nécessitera un temps de préparation avant chaque tournage. Côté animation, la SPFA et les organisations de salariés ont tenu une réunion dans le cadre de la convention collective de la production d’animation, mais la reprise est moins compliquée à mettre en œuvre dans les studios d’animation que sur les plateaux de cinéma ou de fiction TV.

Pour redémarrer des tournages, l’obstacle majeur demeure toujours les assurances. Un sujet sur lequel continuent de s'activer les courtiers du secteur et le CNC. Et qui crée de plus en plus de stress du côté des producteurs. Comme déjà dit, le dossier est dans les mains de la fédération française des assurances et dans celles de Bruno le Maire au ministère de l’Economie et des finances.

"Que se passe-t-il si une personne est à risque sur un tournage et qu’on doit alors tout arrêté ? A partir du moment où seraient respectés tous les gestes de la charte sanitaire, une personne en contact avec une personne infectée devrait être considérée comme à risque faible ou négligeable. Dans ce cas, elle n’aurait pas à être confinée. En revanche, les personnes se retrouvant dans un risque élevé conduirait à prendre des mesures drastique" envisage un professionnel. Mais rien ne marche pour les assureurs à ce stade. "Tant qu’on laissera le risque Covid-19 dans la relation producteur/assureur, ça ne fonctionnera pas. Il faut absolument passer par le fonds de garantie" confie un autre.
Ce fond de garantie ou d’indemnisation, qui pourrait être abondé par l’Etat, avec ou non les assurances, voire avec des fons européens, mais qui ne devrait pas aboutir avant la mi-juin, fonctionnerait en trois temps. En cas de sinistre lié au Covid-19, le producteur serait soumis à une franchise. Ensuite, le fonds d’indemnisation prendrait en charge une partie du sinistre. Puis, selon le coût du film et la hauteur du sinistre, le producteur aurait à prendre en charge un surcoût. Le film ne serait donc jamais couvert à 100%.
Si pour plusieurs professionnels, l’ensemble des conditions de reprises pourraient marcher pour au moins terminer les films et les fictions arrêtés, de plus en plus de producteurs sont en train de décaler les nouveaux tournages prévus à l’été, pour les programmer au moins à la rentrée. Sans parler des plus lourds, à l'instar d'Astérix et Obélix : l'Empire du milieu, reporté à mars 2021.  

L’ensemble de ces mesures sanitaires vont aussi entraîner un surcoût, évalué par certains de 20 à 25% pour les longs métrages. En raison d’une perte de productivité de 10 à 15% sur un plateau, le temps de nettoyer le matériel notamment.

L’inquiétude s’accroît donc de jours en jours dans la production. Les producteurs ont envoyé une lettre au président de la République, sa conseillère Culture et au Premier ministre pour leur faire part de l’urgence de pouvoir reprendre les tournages et leur faire savoir que cette activité doit être considérée comme une activité saisonnière, alors que deux tiers des tournages de films se déroulent en été.  

Alors que l’Elysée doit annoncer des mesures le 6 mai sur la Culture, dont on ne connaît rien des contours à cette heure, et que le Ministère de la Culture travaille sur un plan "Culture" attendu courant mai, les attentes sont de plus en plus fortes.
"Les mesures d’urgence prises par le CNC ne sont pas suffisantes. La possibilité pour une entreprise de mobiliser jusqu’à 30% de son compte automatique, qui ne peut intervenir que si elle a aussi sollicité sa banque et recouru au chômage partiel, ne répond pas aux besoins actuels. Peu d’entreprises tous secteurs confondus y ont eu recours, selon un connaisseur. Dans la production cinéma, les majorations du soutien ne fonctionnant pas dans ce cas, cette mobilisation n'est pas assez intéressante. Plus largement, les mesures d’urgences qui ont été prises par les pouvoirs publics dans la production ont été faites principalement pour sauver l’intermittence, ce qui a été très important pour les intermittents et a permis aux sociétés de ne pas s’effondrer. Mais rien n’a encore été fléché vers les entreprises directement. Les entreprises de production ont aujourd’hui besoin de cash. En Allemagne, c’est d’ailleurs du cash qui a été mis sur la table pour la filière."

Sarah Drouhaud
© crédit photo : Tournage


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