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20 LES FILMS DU JOUR
Quinzaine des réalisateurs Quinzaine des réalisateurs
LES CONFINS DU MONDE SAMOUNI ROAD
LA GUERRE DE TASSEN
“Guillaume Nicloux fait des recherches qui débouchent souvent sur des
trouvailles très riches donnant beaucoup de sens à ce qu’il fait”, souligne Edouard
Waintrop en parlant des Confins du monde. Après la chaleur écrasante de la
Vallée de la mort californienne, c’est dans la moiteur suffoquante de la jungle
vietnamienne que le cinéaste a choisi de planter sa caméra. “Au départ, nous
pensions tourner au Cambodge, précise Sylvie Pialat (Films du Worso). Mais
les difficultés financières nous ont amené à repartir sur une version de scénario
qui devait s’adapter à un financement bien moindre, sans pour autant enlever
au film l’ampleur qu’il devait avoir. Nous nous sommes alors posé la question
de tourner au Vietnam.” C’est donc à Hanoï et dans les montagnes du Nord que © ALTEREGO-PICOFILMS-DUGONG FILMS-ARTE FRANCE CINÉMA-RAI CINEMA, JOUR2FÊTE
s’est déroulé le tournage, pendant seulement 31 jours. Une durée très courte qui
a nécessité une longue préparation et un entraînement physique pour certains
comédiens. Un important travail de décoration a été effectué sur place par Olivier
Radot et son équipe qui ont construit entièrement la plupart des décors et repéré
les extérieurs, parfois en pleine forêt tropicale. Guillaume Nicloux et son chef
opérateur, David Ungaro, ont en outre choisi de tourner en 35 mm, notamment
pour obtenir un rendu optimum des nuances vertes de la jungle. Un choix qui a
entraîné l’envoi des négatifs des rushes par la valise diplomatique afin d’éviter
un passage au rayon X, non sans quelques frayeurs, provoquées notamment par
la disparition de plusieurs bobines, retrouvées 15 jours plus tard au fin fond d’un RECONSTRUIRE SA MÉMOIRE
hangar. L’équipe a pu s’appuyer sur une production exécutive locale efficace. Documentariste aguerri, Stefano Savona s’est souvent penché sur les
Le pays accueille en effet de plus en plus de grosses productions américaines, conflits ou les crises secouant le Moyen-Orient au travers d’œuvres telles
la dernière en date étant Kong: Skull Island, “ce qui a pour effet de tripler les prix que Carnets d’un combattant kurde, Plomb durci, ou encore Tahrir, place
de la moindre prestation”, soupire Sylvie Pialat. Patrice Carré de la Libération, tourné au plus fort de la révolution égyptienne. Samouni
Road s’inscrit dans cette continuité thématique, le film suivant la destinée
tragique d’une famille vivant à la périphérie de la bande de Gaza, tout en
opérant une très nette rupture stylistique. Le cinéaste a en effet choisi
d’avoir recours à l’animation pour évoquer les souvenirs de ce clan,
tragiquement décimé par l’offensive israélienne de janvier 2009. Une
partie confiée à Simone Massi, animateur indépendant ayant réalisé seul,
et entièrement à la main, une douzaine de courts métrages sélectionnés
dans des festivals du monde entier. “J’avais déjà tourné les images du
quotidien de cette famille de nos jours, mais je ne trouvais pas la façon
de les compléter, raconte Stefano Savona. Dès que j’ai vu les œuvres de
Simone au Festival de Pessaro, j’ai su aussitôt que c’était ce qu’il fallait
© LES FILMS DU WORSO transfiguration. Son travail s’apparente à de la sculpture et cela faisait
au film. Son dessin est réaliste et épuré tout en ayant une vraie force de
sens avec cette famille paysanne qui est le sujet de Samouni Road. ll
P. C.
gratte la matière, tout comme eux travaillent la terre.”
Quinzaine des réalisateurs
PETRA
MON PÈRE, CE HÉROS ?
Réputé pour l’exigence de son regard, Jaime Rosales a choisi de
poursuivre la démarche entreprise dans son opus précédent, La
belle jeunesse, “aller de plus en plus à la rencontre du specta-
teur, sans pour autant renoncer au langage du cinéma”, précise
le réalisateur. À l’origine dramaturgique de Petra, il y a l’idée
d’un personnage de jeune femme ne sachant pas qui est son
père, dont l’identité lui a toujours été cachée par sa mère. Elle
part à sa recherche. “À partir de ce moment-là, je me pose des
questions. Pourquoi cette identité lui a-t-elle été cachée ? Parce
que ce père représentait une certaine idée du mal. De là, j’ai vite
enchaîné avec l’idée de la tragédie grecque. Vers la fin, j’ai eu le
besoin d’offrir une conclusion avec un peu d’espoir. M’éloigner
de la noirceur de la tragédie.” Le film a été produit par Jaime
Rosales et son producteur habituel, José María Morales, le budget
final, inférieur à 2 M€, étant complété par un autre coproducteur
espagnol ( Oberon Cinematogràfica), mais aussi des partenaires © LES PRODUCTIONS BALTHAZAR, FRESDEVAL FILMS-WANDA VISIÓN-OBERON CINEMATOGRÁPHICA-SNOWGLOBE
français (Les Productions Balthazar) et danois (Snowglobe). Le
cinéaste a choisi de mélanger des acteurs non-professionnels et
confirmés tels qu’Alex Brendemühl ou encore Marisa Paredes.
Le tournage s’est déroulé dans les environs de Madrid et Gerone.
“J’aime beaucoup le contraste entre les deux. La campagne de
Madrid présente un paysage plus dur, des montagnes avec des
grandes pierres rondes. Les maisons sont peu sophistiquées,
presque laides, si j’ose dire. Gerone c’est le contraire. Un paysage
très doux. On se croirait en Toscane… Tout est beau et sophistiqué
avec une simplicité élégante”. P. C.
10 mai 2018