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30 ENQUÊTE

Portés par des cinéastes CINÉMA
qui n’hésitent pas
© FILM CONSTELLATION. Une vitalité
à s’emparer des sujets
les plus divers, accompagnés Harka, premier long de Lotfy Nathan
(Un certain regard).
par des producteurs
inventifs, les films algériens, réalisation de la Tunisienne Leyla Bouzid. L’édition can- LES CINÉASTES
noise de 2022 est marquée par une très forte présence
marocains et tunisiens tunisienne, avec trois titres, dont deux à la Quinzaine des MAGHRÉBINS PROPOSENT
circulent de plus en plus réalisateurs, Sous les figues d’Erige Sehiri et Ashkal de
Youssef Chebbi. Parmi les trois films arabes d’Un certain DÉSORMAIS DES GESTES
à travers le monde. regard figurent Harka, premier long métrage de fiction du
Les professionnels locaux réalisateur américain d’origine égyptienne Lotfy Nathan, DE CINÉMA SANS SE SOUCIER
tourné en Tunisie, et Le bleu du caftan, deuxième réalisa-
souffrent pourtant tion de Maryam Touzani. Signe des temps, la Semaine de DE CE QUE L’ON ATTEND
d’un certain manque la critique a choisi de confier la présidence de son jury à
de compréhension de la part Kaouther Ben Hania (cf. entretien ci-contre) dont le qua- D’EUX. Farès Ladjimi, producteur
de leurs pouvoirs publics, trième opus, L’homme qui a vendu sa peau, présenté dans
la palme revenant à l’Algérie, la section Orizzonti de la Mostra de Venise en 2020, est du genre et c’est le cas aussi pour deux premiers longs
qui a fermé, en fin d’année le premier long tunisien à avoir été nommé à l’Oscar du métrages marocains à venir. Parmi nous de Sofia Alaoui
dernière, son seul guichet meilleur film étranger, décerné finalement à Drunk. (Qu’importe si les bêtes meurent, César 2021 du meilleur
d’aide à la production. ■ court métrage), accompagné par les Ateliers et qui a suscité
NOUVELLES THÉMATIQUES, beaucoup d’intérêt. Une œuvre rurale qui, en même temps,
PATRICE CARRÉ NOUVEAUX PRODUCTEURS lorgne vers le fantastique. Et Reines de Yasmine Benkiran,
produit par Jean des Forêts, passé aussi par les Ateliers,
Des cinéastes maghrébins sont “On voit arriver du Maghreb des projets intéressants et qui se situe dans le registre de l’aventure. C’est une sorte
sélectionnés régulièrement, depuis assez loin de l’exotisme qui entourait les productions de de Thelma et Louise au Maroc. Dans un tout autre genre,
quelques années, dans les festivals cette région il y a quelque temps. C’est un cinéma qui La dernière reine de Damien Ounouri, en cours de finition,
de classe A que sont Cannes, Venise, ose enfin s’éloigner des films à sujets, aborder le genre est un récit historique algérien qui revisite l’histoire de la
Berlin, Toronto ou Locarno : Maryam de façon originale et se l’approprier. Plus largement, les dernière reine d’Alger, avec une dimension politique et
Touzani et Meryem Benm’Barek pour cinéastes maghrébins proposent désormais des gestes féministe. En général, dans le monde arabe, les drames
le Maroc, Karim Moussaoui, Sofia de cinéma sans se soucier de ce que l’on attend d’eux”, historiques sont des films très commerciaux. C’est rare
Djama et Mounia Meddour pour explique Farès Ladjimi (Supernova Films), qui a produit qu’un auteur s’empare de ce type de sujet.”
l’Algérie. “Comme pour les Européens, il leur est difficile Ashkal de Youssef Chebbi, en coproduction avec Blast Film En parallèle est apparue aussi une nouvelle génération de
de faire leurs 2e ou 3e films. Toutefois, quelques cinéastes et Poetik Film. Rémi Bonhomme, directeur des Ateliers de producteurs. Ils abordent le métier avec une parfaite compré-
ont plusieurs longs métrages à leur actif comme Kaouther l’Atlas du Festival de Marrakech, confirme la tendance : hension des enjeux internationaux, comme Lamia Chraibi,
Ben Hania, Raja Amari et Mohamed Ben Attia (Tunisie), “Youssef Chebbi fait une utilisation très intéressante Saïd Hamich et Karim Aïtouna au Maroc ou Habib Attia
Nabil Ayouch et Maryam Touzani (Maroc) ou encore Tariq et Imed Marzouk en Tunisie, qui travaillent aux côtés de
Teguia (Algérie)”, résume Kamal El Mahouti, président et Le bleu du caftan de Maryam Touzani sociétés historiques telle que Nomadis Images, de l’emblé-
fondateur du Panorama des cinémas du Maghreb et du (Un certain regard).
Moyen-Orient (PCMMO), créé en 2006 à Saint-Denis. La
tendance concerne les cinéastes vivant dans les pays du
Maghreb, mais aussi ceux de la diaspora. L’an dernier à
Cannes, Haut et fort de Nabil Ayouch offrait au Maroc sa
première sélection en compétition officielle pour un long
métrage de fiction. Un certain regard présentait Bonne
mère de Hafsia Herzi et le documentaire Marinheiro das
montanhas (Le marin des montagnes) du réalisateur brési-
lien d’origine algérienne Karim Aïnouz, figurait en séance
spéciale. Enfin, la clôture de la Semaine de la critique était
assurée par Une histoire d’amour et de désir, deuxième

© LES FILMS DU NOUVEAU MONDE/ALI N PRODUCTIONS/VELVET FILMS/SNOWGLOBE

20 mai 2022
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