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22 LES FILMS DU JOUR

Sélection officielle - Séance spéciale

TOUT CE QUE
NOUS RESPIRONS
DRÔLES D’OISEAUX
Grand prix du jury au dernier Festival de Sundance, Tout ce que

nous respirons est le deuxième long métrage du documentariste

indien Shaunak Sen après Cities of Sleep (2015), qu’il avait consa-

cré à la “mafia du sommeil” exerçant un véritable racket sur les

sans-abri de Delhi. Son nouveau film traite d’un autre fléau, la

pollution, à travers la situation désespérée qui règne dans la ville

la plus polluée du monde, dont la population est condamnée à res-

pirer un air vicié, avec pour conséquences des réactions violentes

incontrôlées. C’est dans ce contexte désespéré, où les humains

cohabitent parfois difficilement avec certaines espèces animales,

que les frères Nadeem Shehzad et Mohammad Saud ont décidé,

depuis 2003, de venir en aide à une espèce ornithologique menacée

de disparition par l’usage des pesticides agricoles : le milan noir,

un rapace diurne grégaire et nécrophage dont ils ont déjà sauvé

plus de 20 000 oiseaux blessés. Ils ont aménagé à cet effet une

clinique vétérinaire de fortune dans leur minuscule sous-sol. En lice

pour L’Œil d’or, ce documentaire en forme de synecdoque entend

prendre ce cas comme un phénomène emblématique d’une situation

© RISE FILMS dégradée qui menace la population indienne dans son ensemble à

plus ou moins brève échéance. Cette coproduction britanno-indo-

américaine a été initiée par Rise Films. ❖ J.-P. G.

Sélection officielle - Séance spéciale Quinzaine des réalisateurs

L’HISTOIRE NATURELLE LES ANNÉES SUPER 8
DE LA DESTRUCTION
ÀETLDAUJOCIONLTLUECRTEIDF E L’INTIME
Le long métrage est né à la suite du tournage de Passion simple, le film de

Danielle Arbid adapté de l’ouvrage de la romancière (éd. Gallimard). “Annie

Ernaux m’a parlé de cette idée, inspirée des images d’archives familiales

tournées en Super 8 par son mari”, raconte David Thion qui a produit le film

avec Philippe Martin pour Les Films Pelléas. “Elle a écrit un texte inédit en

visionnant ces images dans l’ordre chronologique. Nous avons commencé

par les numériser, sans savoir encore si cela pourrait faire un film. Annie

Ernaux a enregistré son texte et, au fur et à mesure du montage, nous

avons découvert que se dessinait un film personnel, engagé, émouvant, un

équivalent cinématographique aux chapitres consacrés aux années 1970

© LOOKS FILM dans son livre Les années (éd. Gallimard, Ndlr).” “Mais l’expérience a été très

différente. Je ne suis pas partie de ma mémoire pure et je n’ai pas, comme

dans Les années, eu à inventer une forme, complète Annie Ernaux. Ce sont

CHAOS DEBOUT les images filmées qui ont servi de guide à la mémoire, qui ont ranimé le

contexte personnel mais aussi politique et historique, suscité le regard

Lauréat cette année du prix France Culture cinéma consécration, le réalisateur sociologique sur notre appartenance sociale et les trente glorieuses.” Alors

ukrainien Sergei Loznitsa a présenté en compétition à Cannes My Joy (2010), Dans que cette matière leur semblait au départ à usage purement familial, Annie

la brume (prix Fipresci en 2012) et Une femme douce (2017), ainsi qu’en sélection Ernaux et David Ernaux-Briot ont réussi à en faire “un témoignage sur les

officielle son documentaire Maïdan et un sketch tourné dans le cadre des Ponts de goûts, les loisirs, le style de vie et les aspirations d’une classe sociale, au

Sarajevo en 2014, puis Donbass en ouverture d’Un certain regard où il a reçu le prix cours de la décennie qui suit 1968”. ❖ Patrice Carré

de la mise en scène en 2018, et le documentaire de montage Babi Yar. Contexte

en séance spéciale qui lui a valu une mention spéciale du jury de L’Œil d’or l’an

dernier. Après avoir démissionné de l’European Film Academy, dont il jugeait la

réaction à l’invasion de l’Ukraine par l’armée russe trop faible, il a été exclu de

l’Académie cinématographique ukrainienne sous prétexte de “manque de loyauté”

et de “cosmopolitisme”. Il revient cette année en séance spéciale avec L’histoire

naturelle de la destruction, une coproduction germano-lituano-néerlandaise qui

s’inspire de l’essai de l’écrivain allemand Winfried Georg Sebald (1944-2001) De

la destruction comme élément de l’histoire naturelle (éd. Actes Sud, 2004), à laquelle

les événements récents confèrent un retentissement prophétique. “Mon film est

composé exclusivement d’images d’archives, explique Loznitsa, et je n’ai donc eu

à tourner aucun plan moi-même. Comme c’est devenu une habitude, nous avons

commencé par effectuer un travail de recherche parmi les archives afin de sélection-

ner les images dont nous avions besoin. J’ai procédé à ce choix en réfléchissant à la

construction du film et à la façon la plus appropriée d’articuler le montage qui nous

a pris environ cinq mois. J’ai achevé le montage fin février, au moment où éclatait

la guerre en Ukraine… Nous nous sommes lancés dans le travail sur la bande-son

début février, avant la fin du montage image. Simultanément, notre équipe en charge © LES FILLMS PELLÉAS

de la restauration a entrepris son travail. Toutes les archives datent des années 1940

et certaines d’entre elles se trouvaient dans un état de délabrement assez avancé.

Il nous a fallu ensuite travailler au mixage final et à l’étalonnage, pour que le film

soit achevé début mai. ❖ J.-P. G.

23 mai 2022
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