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Quinzaine des réalisateurs Semaine de la critique

LES CINQ DIABLES IMAGINE

UN CINÉMA PHYSIQUE ET SENSUEL UNE FEMME DANS LA NUIT
Formée en scénario à La Fémis, Léa Mysius a notamment coécrit Roubaix, une lumière et Les
Originaire de Téhéran, Ali Behrad a fait des études
fantômes d’Ismaël d’Arnaud Desplechin, L’adieu à la nuit d’André Téchiné, Les Olympiades d’ingénieur avant de se lancer dans des études de
cinéma. Après avoir réalisé deux courts métrages, il
de Jacques Audiard et Stars at Noon de Claire Denis, présenté en compétition officielle cette passe au long avec Imagine (Tasavor), qui se présente
comme “un film de fantômes et de projection”. Le
année. Sélectionné à la Semaine de la critique en 2017, Ava, son premier long métrage en cinéaste a décrit la façon dont le sujet s’est imposé à
lui: “Il y a quelques années, j’étais en couple. Un jour,
tant que réalisatrice, y avait reçu le prix SACD. Elle présente Les cinq diables comme une au cours d’une discussion avec ma compagne, je lui ai
dit que notre relation telle que je l’imaginais dans mon
histoire de famille, de transmission et de magie. “J’avais envie d’un personnage de petite fille esprit était plus fascinante que la relation que nous
partagions dans la ‘vraie vie’.” Un principe qui a guidé
à la fois étrange et burlesque portant le poids d’un passé qu’elle ne connaît pas. Son don la construction de son film, centré sur un personnage
de femme insaisissable, dont va tomber amoureux un
magique pour les odeurs, qui la transporte dans des souvenirs qui ne sont pas les siens, va chauffeur de taxi. Imagine a été écrit pour la comédienne
Leila Hatami, interprète de rêve du cinéaste. ❖ P. C.
lui permettre de comprendre les secrets de sa famille, de son village et de sa propre existence.”

Elle a écrit de nouveau avec Paul Guilhaume. “Travailler avec lui dès le scénario me permet

de penser l’image en même temps que l’histoire, de ne jamais dissocier les deux. Nous avons

trouvé cette idée d’un film toujours en mouvement, et ça a orienté l’écriture des scènes, le

rythme.” Le choix de ses interprètes s’est fait en partant “du désir d’une comédienne, Adèle

Exarchopoulos, et de la découverte d’une petite fille qui nous a tout de suite fascinés, Sally

Dramé. Ensuite, nous avons réfléchi en termes de ressemblance mais ça allait plutôt de soi

parce que mon goût pour certains traits de visages – de très grands yeux, des lèvres charnues,

une intensité dans le regard très particulière – fait que les comédiens que je choisis ‘font

famille’, même s’ils ne sont pas censés jouer des frères et sœurs ou des parents-enfants”. © GHABE ASEMANJAVAD NORUZBEGIN

Produit par Trois Brigands Production et F comme Film, Les cinq diables a été tourné en

mars 2021 en Rhône-Alpes dans les environs de Grenoble et en Île-de-France. “Nous devions

tourner un an plus tôt mais nous avons été stoppés deux jours avant de commencer par le

premier confinement. C’était un moment très étrange comme pour beaucoup de gens. Les

camions ont fait demi-tour, nous sommes rentrés chez nous et nous nous sommes enfermés

avec la mort qui planait et un tournage reporté sans date précise.” ❖ P. C.

© LE PACTE

Quinzaine des réalisateurs

DE HUMANI CORPORIS FABRICA

OUVRIR LE CORPS AU CINÉMA
Anthropologues au Sensory Ethnography Lab, centre de

recherche interdisciplinaire de l’université de Harvard croisant

les arts visuels et l’ethnographie, Véréna Paravel et Lucien

Castaing-Taylor ont notamment réalisé auparavant Leviathan,

Somniloquies et Caniba. Leur nouveau film, dont le titre fait réfé-

rence au traité d’anatomie humaine, rédigé entre 1539 et 1542

par le médecin et anatomiste brabançon Andreas Vesalius, offre

de découvrir “que la chair humaine est un paysage inouï qui

n’existe que grâce aux regards et aux attentions des autres. Les

hôpitaux, lieux de soin et de souffrance, sont des laboratoires qui

relient tous les corps du monde”. Tout est parti “de l’idée que la

médecine moderne s’est approprié les outils du cinéma pour sa

propre pratique. En écho, nous avons voulu utiliser les moyens

développés par la médecine pour faire un film, pour donner

une représentation du corps qui nous soit moins familière”. Les

réalisateurs n’ont jamais écrit une ligne, leur méthode passant

par “filmer pendant de longues années, chercher, jusqu’à ce

que nous puissions nous étonner de nos propres images. Mais

cela peut prendre du temps”. Au cours de leurs cinq années de

recherche, ils ont accumulé environ 500 heures de rushes. Quant © LES FILSM DU LOSANGE

à savoir quel a été leur fil conducteur : “Aucun, nous ne savons

jamais vraiment ce que nous faisons quand nous tournons. Et

quand le film sort, nous essayons de le comprendre. Ça aussi

cela peut prendre du temps.” ❖ P. C.

23 mai 2022
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