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En partenariat avec
© JULIEN LIENARD POUR “LE FILM FRANÇAIS”
Les déjeuners du Film français
Bruno Boutleux
à la Plage des Palmes et Chloé Astor.
Abu Bakr Mes parents sont égyptiens mais j’ai en contact avec elle et avons rencontré C. A. : C’est une metteuse en scène
grandi aux États-Unis. Abu, lui, était aussi
très sensible, très fine. Sa façon de diri-
d’autres personnes qui avaient vécu des
Shawky à New York pour ses études de cinéma. situations similaires et des psychologues ger extrêmement douce, entretient une
confrontés à cette situation. En tant que
Une fois sur place, nous avons rencontré
certaine forme d’intimité avec chacun des
Réalisateur des équipes géniales qui nous ont beau- jeune mère, je ne comprenais pas comment comédiens. Du coup, c’était une expé-
coup aidés. Mais au risque de faire un on pouvait en arriver à oublier son enfant. rience très agréable. L’ambiance était
véritable poncif : il n’est jamais simple Gabriela Muskała a passé cinq ans à écrire joyeuse et réconfortante.
Dina Emam d’être nouveau quelque part. ce scénario dont elle tient le rôle principal. Que ressentez-vous de figurer
Comment définiriez-vous Fuga ?
Comment vous êtes-vous senti
Productrice au moment de la première du film C’est un drame psychologique dont le au sein de cette opération Talents
Adami Cannes ?
mercredi dernier ? personnage principal ressuscite et passe C. A. : Cela faisait plusieurs années que je
Yomeddine, qui génére A.B.S. : J’étais vraiment sous pression. du statut de victime à celui de femme, qui tentais le coup. Donc j’apprécie vraiment
de nombreux retours positifs, C’est notre premier film et aussi le seul pre- refuse de se souvenir de son passé pour cette sélection.
est votre premier film et aussi votre mier film de la compétition avec, en plus, un commencer une nouvelle vie. Comme B. B. : L’opiniâtreté se révèle payante !
première sélection à Cannes. casting entièrement composé d’inconnus j’adore le mélange des genres, j’ai ponc- C. A. : Je suis ravie. Tout d’abord, c’est l’op-
Comment le vivez-vous ? ou presque. Mais j’étais content de voir que tué le film d’éléments fantastiques afin de portunité d’un tournage dans des condi-
Abu Bakr Shawy : Très bien ! Nous avons la réaction du public était positive. Surtout donner l’impression qu’on est dans sa tête. tions parfaites. Mais c’est également une
réalisé ce film avec un tout petit budget, après tout ce travail difficile, cela semble très belle vitrine qui offre la possibilité de
mené par une équipe de deux personnes déjà être une immense récompense. Quelles sont vos références rencontrer de nombreux professionnels, à
(lui et sa productrice, Ndlr) donc je suis ravi cinématographiques ? commencer par les réalisateurs des courts !
qu’il soit arrivé en haut de l’affiche. Être à Des projets pour la suite ? J’ai découvert le cinéma avec La Strada de
Cannes, c’était vraiment un rêve comme A.B.S. : Nous avons beaucoup d’idées Fellini, mais pour Fuga, j’ai pensé à Paris, Vous parlez de vitrine, est-ce là tout
pour tout cinéaste. mais ce que nous pouvons dire, c’est que Texas que j’ai découvert à l’adolescence. l’enjeu d’une présentation à Cannes ?
Dina Emam : C’est vraiment une chance ce sera différent. Nous voulons raconter B. B. : Cannes forme en effet le creuset
incroyable. Nous avons eu beaucoup de des histoires globales pour une population Quelle est la part des femmes naturel et idéal pour une opération
refus d’autres festivals mais cette sélection mondialisée. Nous aimerions que cela se dans le cinéma polonais ? comme la nôtre. C’est là que nous avons
semble valider toutes ces années un peu passe en Europe, aux États-Unis ou en Elle est grandissante, même si je ne suis le plus de visibilité. De plus, le Festi-
difficiles. Égypte ou ailleurs, peu importe, ce qui que la deuxième réalisatrice polonaise val de Cannes lui-même, à travers la
compte c’est une bonne histoire. sélectionnée à Cannes après Agnieszka caution qu’il nous apporte incarnée par
D’où vient ce film ? Perrine Quennesson Holland qui est d’ailleurs mon mentor. le soutien de Thierry Frémaux, aide à
A.B.S.: Il a fallu cinq ans pour le faire Jean-Philippe Guerand identifier chaque édition comme l’opéra-
mais j’en ai eu l’idée il y a plus de dix ans. tion jeunes talents de La Croisette. C’est
taire au sujet d’une léproserie en Égypte. Agnieszka Chloé Astor là tout l’enjeu. Nous sommes donc dans
J’avais réalisé un court métrage documen-
un partenariat gagnant-gagnant, dont les
rencontré des gens qui me racontaient Smoczyńska Actrice premiers bénéficiaires sont évidemment
C’est de là qu’est née l’idée. Là-bas, j’ai
les comédiens.
leur histoire. Parfois déposés sur place à Réalisatrice
la naissance, ils quittent parfois la lépro- Chloé, quels sont vos projets ?
serie pour tenter de retrouver leur famille. Bruno Boutleux C. A. : Je viens de tourner pendant deux
À l’origine, c’était une femme qui devait Comment vous est venue l’idée jours dans Alexandre de François Ozon. Et
être l’héroïne du film mais elle était trop de votre deuxième film, Fuga, que Directeur général de l’Adami, aussi dans un court, Paye ta robe de Pierre
faible pour se lancer dans un tournage. présente la Semaine de la critique ? Talents Adami Cannes Boulanger, qui aborde les difficultés d’une
C’est là que Rady Gamal est entré en piste C’est la comédienne Gabriela Muskała, jeune avocate à ses débuts aux Assises. Et
avec son superbe caractère. avec qui j’avais travaillé sur mon court au théâtre, je participe à La reine Margot
métrage Aria diva, en 2007, qui m’a télé- Bruno, quelles sont les évolutions adapté et mis en scène par Hugo Bardin,
e
Comment s’est passée la production phoné un jour parce qu’elle venait de voir marquantes de cette 25 édition du collectif La Cantine.
en Égypte ? à la télévision un reportage consacré à une des Talents Adami Cannes ? Sylvain Devarieux
D.E. : C’était assez compliqué au début. femme qui avait réapparu par surprise B. B. : L’évolution majeure est que nous
Nous ne connaissions personne en après des mois d’absence et semblait avoir fait le choix de confier la totalité de
l’opération à des artistes-interprètes. Qu’il
Égypte, nous n’y avions jamais travaillé. perdu la mémoire. Nous sommes entrées s’agisse des jeunes talents à l’écran, dont Margarethe
teurs, qui tournaient là leur premier court. von Trotta
Chloé ici fait partie, mais aussi des réalisa-
Réalisatrice
Allez-vous continuer
sur ce modèle ?
B. B. : Nous souhaitons le confirmer. Vous présentez à Cannes Classics
Cela confère au dispositif deux vocations : votre documentaire À la recherche
révéler les jeunes talents, et en 25 ans, d’Ingmar Bergman. Comment avez-
nous avons accompagné pas moins de vous découvert ce cinéaste ?
500 comédiens par ce biais. Mais aussi Avec Le septième sceau qui a été mon
permettre aux néoréalisateurs de s’expri- premier choc cinématographique. Grâce
mer pour la première fois derrière une à ce film, moi dont le père était peintre,
e
caméra. Car un artiste-interprète est éga- j’ai découvert ce qu’on appelle le 7 art.
lement un auteur. C’est donc une double J’ai fait sa connaissance lors de son exil
© JULIEN LIENARD POUR “LE FILM FRANÇAIS” et Abu Bakr expérience de tournage avec à Munich où le théâtre municipal lui avait
Avez-vous rencontré Bergman ?
émergence de talents que nous accompa-
gnons.
Chloé, que retenez-vous de votre
donné carte blanche. Sven Nykvist, qui avait
travaillé avec moi sur Feu de paille, en 1972,
Clémence Poésy, dans son court
ne cessait de m’en parler. Du coup, Volker
Dina Emam
Le roi des démons du vent, présenté
Schlöndorff et moi l’avons invité. Plus tard,
15 mai 2018 Shawky . aux Talents Adami Cannes ? j’ai su qu’il m’avait appréciée comme actrice